WE WILL ROCK YOU

La musique

Euphorie. Le monde tourne et moi, je tournais sur mon centre de gravité. Alcool. Le monde devenait fou et moi, je devenais folle d'ivresse. Les courbes délicates de mon corps se mouvaient au rythme de la musique. Rythme entêtant pour celui qui savait l'écouter. Rythme endiablé pour celui qui savait le dompter. Je me mouvais avec la grâce d'un félin. Je déchaînais les foules et enflammé les mœurs. Mes mains glissaient le long de mon corps ondulant. Ma tête dodelinait à chacun de mes mouvements. Mon regard pétillant couvait avec amusement la foule. Les plis de ma robe suivaient le rythme de mes pas, prenant leurs envoles dans les airs, dévoilant toujours un peu plus mes cuisses d'albâtres. Le monde tournait mais le monde n'existait pas. Les notes dictaient leurs lois. Les notes dictaient ma conduite. Je ne contrôlais plus rien. L'esprit vidé. L'âme enveloppait de cette mélodie enivrante. La poupée de cire se perdait avec délice. Je ne contrôlais plus rien et pourtant je savais exactement ce que je devais faire. Je ne contrôlais plus rien et ça me plaisait. Je n'étais qu'un corps de plus parmi cette foule mouvante. Je n'étais qu'un corps de plus parmi des anonymes. Mes doigts remontèrent le long de mon corps, caressant avec souplesse le tissus de ma robe pour se perdre dans cette étendu de soie blonde. Puis la musique cessa. Net. D'un coup. L'air un peu penaud, je jetais d'abord un regard vers mon amie... Sans la trouver. Elle s'appelait, comment, d'ailleurs? Mes bras retombèrent le long de mon corps et en regardant autour de moi, je me rendais compte que les seuls corps mouvant autour de moi... et bien... c'était moi, Arikeira. C'était un peu ce qui arrivait lorsque l'on prenait un bar pour une boîte de nuit.

— Et toi, la table c'est pas une piste de danse?! beugla un employé, me désignant avec le bout de son torchon sale.

Je l'observais, sourcils froncés. Mon front se barrait de quelques plis, visiblement contrariée. Je ne comprenais fichtrement pas c'était quoi son problème. Il croyait que les tables s'étaient fait pour quoi? Manger?

— Hey sois cool, laisse la finir le show.
— Ouais! On veut voir ce qu'il y a sous la robe.
— Mais ta gueule, toi, ripostais-je à l'intention du pervers.
— La blonde, descend de là tout de suite! s'impatientait le barman.
— C'est Arikeira, espèce de baltringue!

Agacée, je retirais ma paire d'escarpins que j'avais aux pieds. Ils m'emmerdaient! Tout les deux... trois... Quatre? Ils se dédoublaient tous! La langue pendante sur le côté, je visais le barman, fermant une paupière, et un peu la seconde... Pour lui lancer ma première chaussure. Raté. Merde. J'essayais avec la deuxième chaussure... et encore une fois raté! Enfin pas tout à fait! Elle ricocha sur la tête d'une petite brunette.

— Touchée, coulée!!! m'exclamais-je avec joie en sautillant un instant sur la table.

Mais mon manque d'équilibre eu raison de moi et je me sentais chuter dans les airs. Je m'attendais à un atterrissage douloureux mais je crois que de m'être écrasée sur quelques clients, ça aidait à amoindrir la douleur.

L’ambiance était particulièrement survoltée ce soir et Amélia se demandait à chaque instant si tout cela n’allait pas finir par virer à la bagarre générale. Pourvu que nous, ses derniers bleus venaient juste de disparaitre et elle comptait en profiter pour draguer quelques clients qui lui faisaient de l’œil depuis un moment. A cette pensée, elle esquissa un sourire tout en se faufilant tant bien que mal dans la foule dopée à l’alcool et à d’autres substances qu’elle ne voulait pas forcément connaître.

Un peu plus loin, elle aperçut une blonde sulfureuse en train de se dandiner, ou plutôt en train de vaciller plus ou moins en rythme sur une table. Ah, et apparemment elle n’était pas la seule à l’avoir remarquée puisque la moitié des hommes présents avaient le regard braqué sur elle. Les mâles vont finir par se foutre sur la gueule pour la jolie femelle … se dit Amélia. Cette pensée la fit de nouveau sourire jusqu’à ce qu’elle se prenne un projectile en pleine tronche. « AOUCH » Bordel, ça faisait mal. Qu’est-ce que ça pouvait être ? Elle récupéra par terre un escarpin et le contempla un instant, perplexe. Un frisson la parcourut quand elle se dit que c’était un sacré instrument de torture, ces pompes. Et puis elle entendit une voix féminine et tout se mit en place dans sa tête. « Touchée, coulée ! » Son regard se verrouilla sur la jeune femme qui sautillait sur la table. Elle fit un pas et tous les audacieux qui comprirent les intentions d’Amélia s’éloignèrent d’elle, formant un chemin jusqu’à la table.

En quelques pas elle se retrouva face à une blonde à l’air très amusé étalée sur quelques clients. Son sourire la fit hésiter un instant. Et puis à ce moment, un client mécontent d’avoir servi de matelas amortisseur amorça un geste en direction de la jeune femme tout à fait ivre et incapable de comprendre qu’elle avait possiblement signé son arrêt de mort en se frottant à des audacieux mal lunés et alcoolisés de surcroit. Amélia ne réfléchit pas. Elle décocha une bonne droite au gars qui venait juste de se relever et qui retourna gentiment comater par terre. Avant que les choses ne dégénèrent, elle prit la blonde sous le bras et l’embarqua à l’autre bout du Hive où les clients étaient un peu plus calmes. D’ici quelques minutes tout le monde oublierait l’incident pour retourner à sa boisson. « Ça va ? Tu peux tenir debout ou pas ? Comment tu t’appelles ? » A tous les coups, elle allait devoir la ramener chez elle… Il n’y avait plus qu’à espérer qu’elle ne perde pas connaissance, parce qu’elle n’aurait pas la force de la porter plus loin que jusqu’à son appart au-dessus du Hive. La blonde avait l’air de reprendre plus ou moins ses esprits et Amélia repris espoir. Elle n’aurait peut-être pas de cadavre à porter ce soir … Et puis cette femme avait l’air plutôt sympathique.

Spoiler:

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La musique

Je me sentais lourde et légère en même temps. La gravité usait de sa force pour m'attirer vers elle. Pourtant je me sentais flotter. Je me sentais bien et nauséeuse à la fois. Euphorique et triste en même temps. Une part de moi voulait pleurer sans savoir pourquoi tandis que l'autre éclater de rire. Je m'entendais rire. Je me voyais sourire. Pour autant, je n'avais pas la moindre idée de pourquoi j'étais aussi hilare. Je voyais le monde d'un regard neuf et souillé en même temps. Les contradictions s'entre-choquaient, mettant à rude épreuve mon estomac. Je voyais les choses sans forcément les comprendre. Je comprenais les choses sans forcément les voir. Etat second où le monde tournoie sous nos pieds comme si nous en étions le centre de gravité. Une prise de conscience aussi déroutante que perturbante. Je me sentais transporter et à part sourire béatement, je ne faisais pas grand chose. Je marchais un pas devant l'autre en me demandant constamment comment j'y arrivais. Comment se pouvait-il qu'une chose aussi compliquée nous demandait parfois si peu d'effort? Le monde ne tournait pas rond. Mais il tournoyait quand même.

Une petite brune me soutenait. Elle était devenue ma béquille provisoire. Plissant les yeux, j'essayais de me concentrer sur ce qu'elle disait. Elle était mignonne mais je n'étais pas attirée par les vagins. Puis j'avais un monsieur dans ma vie. Il avait les plus belles bouclettes du monde et plus tard, il me confectionnera une perruque avec sa touffe soyeuse. Comment je m'appelais. Elle était là toute la question. Dans le fond, qu'étais-ce qu'un nom? En quoi cela était si important? Est-ce qu'un prénom pouvait réellement modeler notre identité? Quelle importance. Je pourrais tout aussi bien m'appeler Georgette ou Pilou. Est-ce que cela ferait de moi une personne différente? Me pinçant les lèvres, je tâchais néanmoins de réfléchir. C'était quoi, mon p'tit nom, déjà? Ariana? Keira? Ah! Beh oui! C'était tellement évident!

— Je m'appelle Arikeira!

Le berger sans moutons m'appelait toujours comme ça. Il était dans le juste. J'étais Keira mais aussi Ariana. J'étais l'une et l'autre en même temps. Indissociable de par notre physique mais différente par nos actes.

— Et toi? Tu peux tenir debout? questionnais-je, suspicieuse. Parce que je peux tenir debout! Je peux même danser!

Hochant vigoureusement la tête, je m'éloignais de ma bouée de secours. Joignant les gestes à mes propos, je pris une certaine distance. Je ne voudrais pas qu'elle se retrouve dans mes pattes et gâche toute ma chorégraphie. Ancrée bien correctement sur mes deux jambes, j'agitais quelques peu mes épaules avant d'entamer la chorégraphie de Thriller. Si avec ça, elle n'était pas impressionnée, alors je veux bien lui donner mon second escarpin.

Elle nageait en plein délire. La grande blonde venait de lui annoncer un prénom complètement louche, dont elle n'avait rien pigé. Et puis voilà qu'elle s'éloignait d'elle, marchant avec un équilibre largement discutable tout en certifiant qu'elle pouvait danser. Amélia en doutait, mais "Arikeira" semblait déterminée à prouver le contraire .... Ce qu'elle fit. Étonnement bien, d'ailleurs.
Est-ce que c'est le coup de l'escarpin dans la tronche qui lui avait remué les neurones ? Elle avait soudain envie de laisser son job de serveuse de côté et d'aller se déhancher dans ce bain de testostérone qu'était la piste du Hive, aux côtés de cette inconnue pas si désagréable qu'elle le pensait au premier abord. Elle avait envie de boire et d'oublier le fait qu'elle était ici depuis trop longtemps, qu'elle en avait assez d'attendre d'avoir le courage de se lancer et de prendre son avenir en main ... "Oh et puis merde !"
Elle arracha presque le torchon qui faisait office de tablier accroché autour de sa taille et attrapa deux bières sur le plateau d'un collègue pour rejoindre la jeune femme. "Moi c'est Amélia, mais tu peux m’appeler Amy si tu veux !" dit-elle en tendant une bière à Arikeira (?), son plus beau sourire collé sur le visage. Ce soir elle allait se faire des amies, ou du moins ... elle allait essayer de ne pas avoir l'air de draguer tout le monde. Pourquoi les gens croient tous qu'elle les drague quand elle leur parle ?
Enfin bon, la voilà qui se laisse emporter par le boum-boum assourdissant qui rythme chaque soirée au Hive et que le patron croit être de la ‘vraie’ musique. La voilà qui se déhanche et reprend la chorégraphie un peu bancale mais plutôt marante de cet ovni qui lui a balancé une pompe dans la tronche. Après tout, on ne vit qu’une fois, et elle n’allait pas en vouloir à cette fille de ne pas savoir viser. Elle finit sa bière d’une traite et subtilise une bouteille d’alcool de contrebande à un des clients. "Tu devrais pas boire ça mec, t’es déjà bien assez bête comme ça !" Son propre rire la surprit, elle qui n’avait pas blagué depuis bien trop longtemps. "Hé, Ari… Kei… Ra ! Tu sais quoi ? Je te trouve sympa !" C’était la déclaration la plus sérieuse qu’elle pouvait faire au milieu d’une foule de gens dix fois plus bourrés qu’elle ne commençait à l’être.

Spoiler:

WE WILL ROCK YOU

La musique

La vie était courte. On le savait... et pourtant, on continuait à vivre de façon étriquer. On oubliait bien vite que la vie pouvait nous être retirée comme ça. D'un coup. Sans aucun préambule. La question étant, que faire? Rester à l'abris pour la préserver le plus longtemps? Où la vivre à fond, s'éclater et en profiter jusqu'à la fin? J'optais pour vivre à fond et oublier. Oublier le temps d'une soirée les problèmes de demain. Car j'estimais le mériter. On méritait tous un moment de répit. Voir que l'audacieuse suivait le mouvement et semblait décider à se déchaîner me comblait de joie. Cette joie tellement communicative. Cette joie que j'aimais transmettre à une époque, sans avoir besoin de noyer mon cerveau dans des litres d'alcools.  

— Enchantée, Amy, criais-je par dessus la musique.

Avec plaisir, j'attrapais la consommation qu'elle me tendait. Combattre le feu par le feu! Une bière pour contrer les effets de ma future gueule de bois... Pfff! Foutaise. Je voulais juste m'enivrer un peu plus et partager ce moment avec ma nouvelle amie. Ah oui... les joies d'être ainsi éméchée. Tout le monde devenait votre amis... et mine de rien, cette insouciance était grandement appréciée en ces temps chaotique.

Ma bière en main, je reprenais la chorégraphie de Thriller... et Amy suivait le mouvement. Nous voir ainsi me fit éclater de rire mais je persistais à continuer. Peu de gens la connaissait... mais à une époque, cette chorégraphie était incontournable. Je l'avais lu dans un vieux bouquins. Avec Phoebe, on avait appris cette chorégraphie pendant des heures quand on était plus jeune. Qu'est-ce qu'on s'était éclatées. Bien trop emportée par mon délire, je n'avais pas remarqué toute de suite que de nouveau, j'étais tout de seule à faire le "zombie dansant". Je ne m'en rendis compte que lorsqu'elle s'adressa de nouveau à moi. Un sourire estampillé sur mes lèvres, j'arrêtais de danser un brin essoufflée. Oh! C'était tellement gentil de sa part! Posant une main sur mon cœur, je lâchais un soupir niais.

— Moi aussi je te trouve sympa, lui avouais-je.  

Je venais de me faire une nouvelle amie! Je venais de me faire une nouvelle amie!!! Surexcitée je sautillais sur place pour finalement attraper son visage entre mes mains et coller un bref instant mes lèvres contre les siennes. Je venais en cet instant de sceller notre amitié!!! Toujours aussi contente, je me reculais et me mit de nouveau à danser, sautillant de plus belle... pour mieux m'écrouler par terre. L'attraction terrestre était bien étrange en cette soirée et mon popotin me faisait bien mal. Un peu comme si je m'étais fait bipbip par une chèvre. Pourtant, je me mis à rire et à utiliser Amy comme béquille pour me relever.

Okay... De vous à moi, je commençais sérieusement à voir la terre tourner. Et tenir debout commencer un brin à... ah mais attendait... ma bière? Elle est où? J'avais une bière entre les mains... et pourquoi ma robe est toute mouillée? Pourquoi je pus l'alcool? Oh merde. Mes neurones se connectaient et je comprenais que bah... ma bière elle était tombée. Merde. Avant ou après avoir embrassé Amy? Avant ou après ma chute? Beh merde alors! De nouveau je me mis à rire. Beh oui... c'était drôle comme situation.

— Je crois que... je crois que je vais vomir, annonçais-je.

Prestement, je me saisi d'un bock de bière à moitié vide pour... pour décharger mon estomac bien trop rempli.