« A HELL OF A PLAN. »

Il n’était pas couché depuis bien longtemps quand l’aube commença à percer à travers les rainures du bois de son cabanon. La nuit avait été propice à plusieurs folies, mais rien qui ne consistait un réel loisir. Pour une fois, c’était bel et bien le travail qui l’avait épuisé, et pourtant il n'en possédait pas un très contrariant physiquement parlant. N’était une contrainte que celle de regarder les autres, boire à vive allure, chanter et danser sans pouvoir les copier réellement. De toute façon Gray n’en avait pas foncièrement eu envie la veille au soir mais ce matin, le réveil était plutôt difficile et il ne devait absolument pas manquer aux engagements qu’il s’était fait à lui-même. Ce fut donc les traits tirés par la fatigue qu’il gagna l’extérieur hivernal de la faction des fraternels. Les températures avaient baissé en flèche dernièrement et il n’était plus question de s’exposer torse nu en forêt. Bien emmitouflé dans sa veste en cuir, le divergent se rendit à son lieu d’entrainement habituel, il ne croiserait pas Joe cette fois-ci, il en était persuadé. Les rayons du soleil ne seraient pas vifs, les nuages gris l’emportant sur le reste, donnant cette légère impression que des flocons n’allaient pas tarder à dégouliner en silence. L’air frais était vivifiant malgré la fatigue qui le tenait et il ne cessait de se nourrir de ce sain silence autour de lui. Mère nature était beaucoup plus douce ici qu’au sein du centre-ville, et c’était quelque chose d’indéniable. L’air ne manquait pas, et personne n’osait venir vous déranger, l’endroit parfait pour tout être vivant qui fuyait les horreurs, et ce, même si le labyrinthe n’était pas loin.

Son entrainement quotidien dura une petite heure, puis il rebroussa chemin en direction de sa maison où il comptait bien y rester enfermé toute la journée, avant de daigner sortir son cul pour rejoindre The Harvest. A peine la porte en bois fut refermée, l’ouverture de cette dernière étant rendue impossible par un loquet qu’il avait lui-même installé, Graham se laissa tomber dans son lit de fortune, veste et T-shirt jetés à la volée dans un coin, la pénombre envahissant les lieux. Pendant de longues minutes, le jeune homme resta allongé sur le dos, observant le plafond d’un air songeur dont nul ne pouvait savoir où son esprit voguait. Puis, il passait une main sur son front et se retournait pour être allongé de profil, fermant les yeux au passage en espérant rêver d’un monde meilleur. Mais ce ne serait jamais le cas.

Le sommeil le gagnait sagement quand un appareil plus que connu se mit à émettre un son des plus étranges. Pour Gray cela n’avait rien de bizarre, c’était même normal et étonnant qu’il fonctionne aujourd’hui. Non pas qu’il ne croit pas en les capacités de Calypso, mais ce petit appareil avait eu plusieurs ratés. Grommelant dans sa barbe, le brun se leva d’un coup sec et vint attraper l’appareil qui trainait dans une pile de vêtements propres. « Caly très chère, que puis-je faire pour toi en cette si froide journée ? ». Un rictus se formait au coin de ses lèvres tandis qu’il espérait encore pouvoir dormir toute la journée. Son espoir fut vain lorsque la jeune femme au teint café lui dit qu’elle voulait passer. Pour autant, ce n’était pas une si mauvaise nouvelle que ça, ils allaient pouvoir élaborer un plan. Plan que Gray attendait depuis bientôt 7 ans. Autant dire que cette journée ne serait peut-être pas si mal finalement. Tous deux se connaissaient depuis longtemps, et si elle n’avait jamais réellement su ce qui s’était passé pour expliquer sa disparition pendant un an des rues des Erudits, Calypso était restée une amie fidèle sur laquelle il pouvait compter. Qui plus est, ses petites techniques et bidouilles mécaniques avaient de quoi être intéressantes et innovantes.

Pour l’heure, Graham allait devoir se bouger le cul. Sortant de son lit, il prit le temps de ranger deux trois affaires qui trainaient par-ci par-là, il attrapa les plantes qu’il avait pu récupérer chez Bellamy et en appliqua un peu sur son visage encore tuméfié par ses mauvaises rencontres de l’autre soir au North side. Caly risquait encore de lui faire la moral, comme à peu près toutes les filles qu’il connaissait et qui s’inquiétaient pour lui. Elles se comptaient sur les doigts d’une main, ces filles-là qui avaient « la chance » d’être proches de lui, mais tout de même il n’était plus un enfant. Il savait encaisser, c’était même là la triste ironie de l’histoire de sa vie. Conscient que ses efforts ne masqueraient rien concernant son visage, il eut au moins la satisfaction de pouvoir cacher le reste de ses marques sous un T-shirt.

Une fois fait, Gray mit du bois dans le poêle afin que la maisonnée se réchauffe un peu avant l’arrivée de l’audacieuse. Tout était prêt quand Calypso arriva et chercha à rentrer… Sauf un détail. Le loquet. Laissant un soupir s’échapper de ses lèvres, le divergent fila à la porte et déverrouilla pour voir ainsi entrer une surexcitée. Car elle serait surexcitée, il le savait c’était toujours comme ça quand elle inventait un nouveau truc.

A HELL OF A PLAN

GRAY & CALYPSO

Crazy little things. ✻✻✻La vie appartient à ceux qui se lèvent tôt. Mon père m'avait martelé ce proverbe durant toutes mes jeunes années, me tirant du lit à des heures trop indues pour une môme dont la vie diurne commençait avec le crépuscule. Je l'avais maudit sur quelques générations de nombreuses fois, jusqu'à ce que je réalise qu'à cause de lui et son conditionnement, toute expectative de grasse matinée avait été réduite à néant. Mon horloge biologique était désormais réglée comme du papier à musique, mes yeux s'ouvrant tout grands avec les premiers rayons de soleil et ce, chaque matin que Dieu faisait. Et surtout, quelle que fut l'heure à laquelle je me couchais. Un des plus grands drames de ma courte existence.

Les matinées suivaient à peu près toutes le même schéma. A peine debout, je sautais sous la douche, du shampoing plein les yeux et du dentifrice plein la bouche - ou le contraire, suivant mon état de sobriété de la veille. Entre deux bulles de savon-pâte mentholée, j'alpaguais Elio en beuglant tel un âne et il me répondait sur le même ton. On était plutôt bruyants chez les Reed. Enfin, disons, dans cette maison des Reed : rien à voir avec notre maison d'enfance où l'ambiance était studieuse, presque feutrée. Elle avait longtemps était apaisante ... Jusqu'à ce que tout vole en éclats. Pour rien au monde je n'aurais pu supporter que mon frère, l'amour de ma vie, revive des mois, des années de folie et de silence angoissant. De solitude, même. Alors, je claquais les portes, préparais le petit déjeuner en chantant à tue-tête et l'étreignais fermement avant que chacun parte de son côté. Il fallait qu'il sache que j'étais là, qu'il existait à mes yeux et que même absente à son retour, ma présence ne s'évaporait jamais complètement. Je ne sais pas qui de lui ou de moi je cherchais à préserver. A sauver. Les deux. Il était mon âme soeur, la moitié de mon tout.

Cependant, ce n'était pas cette ambition habituelle qui m'habitait aujourd'hui. Mon excitation n'avait aucun rapport avec le fraichement initié, lequel n'était d'ailleurs pas rentré de la nuit. Je ne m'en étais pas inquiétée, le sachant en patrouille pour les douze prochaines heures. Non, la cause de mon agitation se trouvait bien à l'abri dans mon sac et ne demandait plus qu'à être aussi réveillée que je l'étais. Je m'emparai du talkie-walkie que j'avais bricolé, tournant le bouton récalcitrant jusqu'à ce que je trouve la seule fréquence qui m'intéressait.

" Déesse absolue à beau ténébreux, tu me reçois ? " Des grésillements fort désagréables me répondirent avant que la douce voix de Gray ne les remplace. Un vrai bonheur pour mes oreilles. " Me réchauffer dans tes bras musclés ? " plaisantai-je sans gêne aucune. Mon cher ami avait l'habitude de mon humour discutable. " Bon allez, je me contenterai d'un café. Cache le string de ta dernière conquête, j'arrive avec des nouvelles qui devraient te plaire. " Autant dire que je ne parlais pas de mes propres sous-vêtements affriolants mais bien de quelque chose de beaucoup, beaucoup plus intéressant. Connaissant Gray, il avait deviné le sujet de ma visite et je reposai l'appareil en réprimant un frisson d'extase anticipée. Le plan avait germé dans mon esprit depuis une bonne semaine, trouvant sa finalité hier soir très tard. Le genre de plan made in Calypso que les esprits les plus brillants m'auraient envié. Ou peut-être pas, mais si j'avais quitté les Erudits au profit des Audacieux, ce n'était pas du fait du hasard non plus.

Je fis un crochet par ma cage à poule envahie de matériel parfois méconnaissable, avant d'attraper le premier train en marche qui me conduirait sur le territoire des Fraternels. Quelques Sans-Factions s'entassaient dans le wagon où j'atterris, aucun des partis n'accordant plus d'attention à l'autre que nécessaire. Un regard ombrageux dissuada l'un d'eux de lorgner ma besace de trop près et il avait déjà détourné son attention lorsque je sautais dans l'herbe encore gelée, me réceptionnant avec une grâce toute Audacieuse. Il fallait bien que je fasse honneur à ma Faction, de temps à autre.

Evidemment, la porte de Gray était verrouillée. Si j'avais pu conserver un pas tranquille jusque chez lui - après tout, je n'avais aucune raison de cacher ma présence, les mous du bulbe avaient l'habitude de me voir traîner dans le coin -, je commençais à m'énerver un brin sur le loquet, tapant plus que nécessaire contre le battant. Mon impatience n'avait d'égale que le grand sourire que je lui servis comme il m'ouvrait, déboulant dans la pièce sans avoir besoin d'invitation. " Hello sunshine ! " m'exclamai-je, toute guillerette et frétillante, me laissant choir sur le lit. Pour mieux me relever aussitôt. Toute trace de bonne humeur avait déserté mon visage tandis que je m'approchais de Gray et saisissait son menton entre mon pouce et mon index pour observer ses traits. Mes sourcils se froncèrent. " C'est quoi encore ? Qui a fait ça ? " Ma voix était davantage un grondement menaçant qu'une interrogation inquiète. Je ne supportais pas de le voir perclus d'ecchymoses. Je ne supportais pas qu'on touche à mes proches, qu'elles qu'en soient les raisons.


✻✻✻

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« AT LEAST YOU MAKE ME LAUGH. »

La flemmingite aigüe. C’était clairement les maux qui s’étaient emparés du cadet Wolfgang. Il espérait passer sa journée à dormir, loin de tout et surtout loin du monde. La froideur de l’hiver mordait à présent chacun des corps qui osaient se rendre à l’extérieur de leurs maisonnées. Gray n’était pas quelqu’un de fainéant, loin de là il était du genre à bouger, surtout avec l’âge puisque dans son enfance il avait tendance à être cloitré dans l’appartement aux murs blancs. Sans doute était-ce là un signe de grand changement, que le véritable Graham était sorti de son cocon au même moment où il avait quitté le nid (ou plutôt la prison) familial. L’Homme avait besoin d’un quotidien, ici à Chicago il était presque vital d’avoir un minimum d’habitudes pour ne pas se perdre en route, voilà pourquoi Gray affrontait le froid hivernal pour ses entrainements qui ressemblaient parfois plus à de la méditation. En arrivant au sein des fraternels, le jeune homme avait dû se bâtir une vie, la sienne, celle qui lui était propre et ce qui faisait qu’il était un être à part entière et non une marionnette utilisée à des fins égoïstes. P’ avait cette fâcheuse tendance à manipuler ses bambins, et le divergent avait fui tout ça pour ne jamais y revenir. A bien y réfléchir, et en comprenant les plans du paternel il avait eu pleinement raison. Être vendu comme un vulgaire morceau de viande n’était clairement pas dans ses projets d’avenir. Devenir agriculteur non plus, certes, mais la faction des hippies était la plus éloignée de toute, et la plus proche de la sortie. En cas de besoin, et ce, même s’il faudrait passer par des péripéties encore insoupçonnées, quand bien même le projet Chasing the rapture avait vu le jour et causé pas mal de remue-ménage au sein des différentes factions.

Installé confortablement dans son lit de fortune, scrutant le plafond de bois d’un air perdu, il finit par se retourner pour mieux fermer les yeux, bien décidé à ne plus penser à quoi que ce soit, et priant intérieurement pour ne pas les revoir une énième fois. Ces souvenirs. En fin de compte, Gray n’aura pas eu besoin de se poser longtemps la question ou de craindre ces maudits souvenirs car un appareil se mit à émettre un son qu’il reconnaitrait entre milles. Perdu sous une pile de vêtements, le talkie-walkie maison de Calypso, une des très rares amies qu’il ait gardé proche. Oh il avait bien quelques connaissances de son ancienne faction, mais rares étaient ceux qui pouvaient encore se juger « proches de lui ». Sortant de son lit en catastrophe, non pas sans mal et sans motivation évidente, il finit par débusquer l’engin d’où s’échappait déjà la voix de cette chère érudite reconvertie audacieuse. La réponse ne tarda pas à fuser et la jeune femme pourrait bientôt entendre la voix légèrement caverneuse de son ami à l’autre bout « du fil ». La question obtint une réponse digne de la brunette, et qui ne manqua pas de le faire sourire, l’obligeant à porter l’appareil contre son front en secouant doucement la tête. Certaines choses ne changeraient pas. Jamais. « Tu sais que tu n’as pas besoin d’appeler pour ça. ». Graham répondait sur le même ton de plaisanterie, c’était devenu une sorte de jeu, si bien qu’elle venait de balayer sa mauvaise humeur en un éclair, sans même le savoir. La suite des palabres de la jeune femme le fit sourire davantage tandis qu’il secouait encore la tête. Elle avait des nouvelles. Elle avait trouvé quelque chose. En un claquement de doigt, Gray déblayait déjà une nuisette féminine qui traînait, probablement une de Sky d’ailleurs, puis reprenait le petit appareil en mains. « M’habiller aussi pourrait être utile… Je t’attends. ». Et il avait coupé le talkie, juste comme ça, et continuant de tendre des perches malicieuses.

Bon, Gray avait un peu menti, il était quasiment habillé, ne restait qu’un T-shirt à enfiler, chose qui semblait lui coûter à ce moment précis. Les nouvelles de Caly l’intriguaient, mais la fatigue était toujours là, qui plus est, les coups qu’il avait reçu quelques jours auparavant trouvaient encore leurs marques sur sa peau, celles de son corps seraient cachées, mais celles de son visage… Ce ne serait malheureusement pas possible, à moins de se maquiller et autant dire qu’il était hors de question qu’il se mette de la peinture sur la tronche. S’attelant à la tâche, mettant des morceaux de bois dans le poêle pour réchauffer la pièce principale qui lui servait… de cuisine, de salon et de chambre, le tout à la fois en fait (excepté la salle de bain et les WC si vous voulez tout savoir). Puis, il débarrassa encore quelques affaires qui trainaient par ci et par là, et vint s’asseoir. Malheureusement, à peine eu-t-il posé ses divines fesses sur son fauteuil que Miss surexcitée déboula, s’énervant déjà sur le loquet qu’il avait oublié de déverrouiller. D’un pas, le divergent débloqua le tout et se poussa juste à temps pour laisser rentrer la fusée qui débarquait tel un rayon de soleil. Qui avait besoin d’une boule de feu en hiver quand il avait Calypso, boule d’énergie à la place ? Personne.

Refermant derrière elle, Gray la laissa faire ce qu’elle voulait, après tout elle était du genre à savoir qu’elle pouvait tout faire ici ou presque. La seule autre personne qui avait autant de droit qu’elle était Skylar, dont la nuisette dépassait légèrement de sa pile de vêtements propres. Bon, il ferait comme s’il ne voyait rien. Posant ses prunelles sombres sur l’audacieuse, il lui rendit son sourire en un peu moins convaincu, il n’avait jamais été très expansif. A peine détourna-t-il le regard cinq secondes pour s’assurer que la porte était à nouveau verrouillée qu’il se fit bondir dessus, sentant instantanément les doigts de la brune effleurer son menton et bloquant son visage. La question fusa, rapide, nette et précise. Mais qu’est-ce qu’elles avaient donc à toujours lui demander ça ? Un soupir s’échappa de ses lèvres tandis qu’il profita de sa grandeur pour basculer la tête en arrière et se dégager de son étreinte, les sourcils froncés. « Personne. Ce n’est rien d’important, j’étais juste au mauvais endroit au mauvais moment rien d’autre. ». Et les fraternels ne frappaient pas en retour… Quel dommage d’ailleurs car le divergent leur aurait bien mis une raclée. Heureusement pour lui, en définitive ils avaient tout de même terminé K.O grâce à Salem, et il avait eu tout le loisir de s’acharner en douce sur Frey, ce maudit adolescent érudit qui se prenait pour le caïd du coin alors qu’il flippait qu’on ne lui arrache sa langue. « Je vais bien. ». Ça, il était facile de le croire étant donné qu’il ne montrait aucun signe de douleur apparent, quand bien même ses cotes soient toujours fêlées.

Contournant la silhouette féminine, l’ancien érudit vint s’asseoir sur son lit et se remit à nouveau à la toiser du regard, récupérant un air moins contrarié. « Tu m’as dit que tu avais des nouvelles ? ». Il esquissa un léger sourire, histoire de détendre l’atmosphère à nouveau. Il la connaissait, il savait qu’elle ne tarderait pas à passer à autre chose.

A HELL OF A PLAN

GRAY & CALYPSO

Crazy little things. ✻✻✻ Son menton glissa de mes doigts et je ne cherchai pas à le retenir. Mon autoritarisme avait lui aussi ses limites, généralement quand il se confrontait à un libre-arbitre aussi développé que celui de Gray. Ce qui était peu dire, vu le monde dans lequel nous évoluions. Monde qui se barrait en sucette, si vous voulez mon avis. Les Fraternels portaient bien leurs noms : ils étaient placides, un peu bêtas mais d'une grande gentillesse. Malgré mes nombreux questionnements - qu'ils soient intérieurs où aient été partagés à mon ami de vive voix -, je ne comprenais toujours pas comment il parvenait à terminer dans de tels états. Non seulement je n'appréciais pas la vue, mais en plus, je craignais pour sa sécurité. Evoluer chez Bisounoursland et se ramener avec la tronche d'un panda, ça avait tendance à attirer l'attention du Conseil. Mes tripes se serrèrent à cette perspective. J'avais déjà perdu l'une des personnes qui m'étaient le plus cher à cause d'eux et je n'étais pas certaine de pouvoir supporter une autre disparition.

Mon bras retomba le long de mon corps alors qu'il m'assurait que tout allait bien. Je levai les yeux vers les poutres du plafond. " Evidemment, c'est pas comme si tu te baladais avec la tronche d'un boxeur un lendemain de match. Non, voyons, on jurerait que tu as fait une petite promenade en forêt. Et que tu as fait coucou à une putain de falaise. " répliquai-je, mi amusée, mi acerbe. La colère grondait sous mes veines, sourde, dissimulée sous un sourire que je voulais taquin sans réellement y parvenir. Pourtant, je savais que c'était peine perdue. Si Gray ne voulait rien me confier, alors il ne le ferait pas. Nous avions beau nous être retrouvés et avoir renoué une relation forte, j'ignorais encore beaucoup de choses sur son compte. Des secrets qu'il me dissimulait avec ferveur, peut-être pour me se protéger. Ou me protéger moi, je l'ignorais. De toute façon, il me connaissait suffisamment pour savoir qu'il en faudrait peu pour ramener mon attention à l'objet de ma visite. Mon visage s'éclaira à nouveau, toutes traces de hargne envolées comme elles étaient apparues. " De très bonnes, même ! Donne ta main ! " m'exclamai-je alors que j'entreprenais de fouiller dans ma besace. J'en sortis deux petits objets de la taille d'un bouton et les lui déposai délicatement dans sa paume ouverte. " Ca, mon rayon de soleil, ce sont des micros espions ! " J'avais anticipé sa question, toute fière de moi. J'avais mis un temps fou à récupérer les circuits sur un vieux microphone, à les remettre en marche et pire, à assembler le tout pour que cela présente sous cette forme riquiqui. En apparence, il ne s'agissait que de deux petits ronds noirs tout à fait banales. " Tu les poses sur un pied de lampe, derrière une grille ... Bref, où tu veux. J'ai testé dans le bureau de mon chef et crois-moi, le rendu est optimal ! " Un peu trop, même. Je frissonnai en repensant aux petits plaisirs solitaires auxquels s'adonnait mon gros patron pendant ses pauses et que j'avais eu le déplaisir de surprendre. Berk.

Je contournai Gray tout en continuant mes explications. " Il y a juste un petit problème ... " Le lit s'affaissa sous mon poids tandis que je m'allongeais de tout mon long sur le ventre. " J'ai enfin pu me procurer les plans du bureau de ton cher paternel - ne me demande pas comment, tu ne veux pas savoir - et je crains de ne pas pouvoir rentrer par la grande porte. Même en bidouillant une carte d'accès, je me ferai toper au second couloir. " Je me redressai et rampai jusque dans son dos. Mes mains trouvèrent le chemin de ses épaules et j'entamai un massage, le genre destiné à endormir les sens du destinataire. Car ce que je m'apprêtais à lui dire n'allait pas lui plaire, j'en étais persuadée. " C'est pourquoi je vais devoir me glisser par le toit et emprunter le chemin des écoliers, soit ... Les bouches d'aération. " Inutile de voir son visage pour sentir qu'il se crispait. J'avais pourtant utilisé mon ton le plus innocent et le plus doux, en sus de la pression délicate de mes doigts sur ses muscles.

Pour ma part, cette perspective m'excitait comme une puce au salon de la moquette. Cependant, je savais que mon ami ne le verrait pas du tout du même oeil. J'avais déjà pris de sacrés risques pour lui, avec plaisir et par choix et je craignais qu'il ne me laisse pas en prendre davantage. L'instinct de protection était, malheureusement, un trait que nous partagions.


✻✻✻

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« IF YOU GO. I GO. »

Il ne voulait pas lui faire de peine, ni ne voulait l’inquiéter outre mesure. Il était évident qu’un fraternel n’était que très rarement amoché. Des accidents pouvaient arriver, des petites agressions aussi lorsqu’ils se rendaient à l’intérieur de Chicago moderne, mais jamais avec une fréquence aussi courte. Ce n’était pas la première fois qu’il revenait abîmé de cette façon, et ce ne serait pas la dernière dans les jours à venir. Gray allait bien, il savait gérer ce genre de chose et les hématomes de son visage, tout comme les plaies ne lui étaient en rien dérangeantes, sauf aux yeux de la faction, lorsque les hippies le regardaient avec un drôle d’air. Le fraternel avait appris à rester cloîtré chez lui dans ce genre de moment, mais il irait travailler le soir même, comme la veille et l’avant-veille, et son « patron » ne dirait rien, car dans l’obscurité du bar, il était rare de prêter attention à la tronche du serveur. Les mots de la brune auraient pu le contrarier, mais ce fut tout l’inverse, il fut à la fois touché mais également amusé, surtout par sa dernière phrase et il ne put retenir un rire franc de s’échapper de ses lèvres, tant il était surpris par les mots utilisés. En réalité, il s’imaginait se prendre une falaise en plein faciès, et sur le coup ça le fit beaucoup rire. « Et si c’était vraiment ce qu’il s’était passé, tu dirais quoi ? ». Il conserva son sourire avant de se rendre vers son lit où il y déposa ses précieuses fesses. Là, il détourna l’attention de Calypso sur ce qu’elle aimait le plus : ses recherches et ses inventions. Elle avait des nouvelles et il était clairement d’humeur à les entendre à présent.

Ayant décidé d’être obéissant, pour une fois, le divergent lui tendit sa main ouverte dans laquelle elle ne tarda pas à glisser deux sortes de boutons noirs. Intrigué, Gray leva les yeux vers elle d’un air lourd d’incompréhension, jusqu’à ce qu’elle n’explique et que son visage se détende jusqu’à former un « o » de surprise. « Tu n’es pas sérieuse ? ». Les traits de son visage venaient de s’illuminer à l’idée de tout ce qu’ils pourraient faire avec ça. Il admirait la capacité de son amie à créer tout un tas de choses, rien que ces talkies qu’elle avait confectionné pour eux étaient une vraie merveille (quand ils ne grésillaient pas, mais bon, ça ce n’était pas de sa faute, juste l’éloignement). La suite des explications arriva, et le jeune homme ne put en conclure qu’elle était bel et bien sérieuse. « Comment as-tu… ? ». Ca l’intéressait autant qu’il savait que même si Calypso lui expliquait il se perdrait dans le langage électronique. Il était intelligent mais pas vraiment avec les machines, le peu qu’il en savait c’était grâce à elle et il en apprenait chaque fois qu’ils se côtoyaient. Quoi qu’il en soit, la brunette pouvait se darder d’avoir attiré son attention plus que de raison, car bien qu’il soit amoché, il parlait presque beaucoup plus que d’ordinaire. Il y a juste un petit problème.... Le divergent observait de près les deux micros espions quand la phrase s’échappa dans l’air ambiant, en même temps qu’une des bûches du poêle se brisait en deux. Un problème. Gray releva à nouveau la tête mais l’audacieuse venait déjà de prendre ses aises sur son lit, il le sentit quand le matelas s’affaissa légèrement.

Soudain silencieux et l’air sérieux, il laissa la brune continuer sur sa lancée, et bien qu’il comprit l’essentiel, il allait rétorquer, lui dire de laisser tomber et qu’ils trouveraient une autre utilité à ces deux boutons noir quand elle se rapprocha et se mit à masser ses épaules. Il ne s’était pas retourné pour la regarder. Calypso put le toucher sans encombre car le jeune homme savait qu’il s’agissait d’elle, mais s’il avait s’agit d’une autre personne, quelqu’un de totalement étranger qui essayait de le prendre par surprise, ça aurait probablement mal fini. Gray disposait de certains réflexes qu’il ne contrôlait pas, avec les étrangers. Et en général ça finissait toujours violemment. Pour l’heure, il pensait avoir compris l’entourloupe et se contentait de ne pas bouger tandis qu’elle s’attelait à la tâche, espérant faire passer une pilule qui ne passerait sans doute pas. Quand Calypso exposa son idée, le Wolfgang se crispa instantanément, quand bien même elle lui assène le plus somptueux des massages, c’était à présent peine perdue. En un éclair, il se retourna pour lui faire face, posant ses jambes de chaque côté du corps de la brune en faisant attention de ne pas lui donner de coup dans la manœuvre (c’est qu’il avait eu comme une réaction épidermique). Il ne la quittait plus des yeux, les petits micros tenus comme s’il s’agissait de la prunelle de ses mirette dans sa main gauche. « Tu ne te glisseras pas dans les bouches d’aération Caly. ». Il arborait un air si sérieux qu’il aurait pu en faire frémir plus d’un, mais il savait que l’audacieuse n’en aurait rien à faire, il avait senti, malgré le ton innocent, qu’il ne s’agissait là que d’une affirmation. Elle le prévenait qu’elle allait devoir s’y infiltrer, elle ne lui demandait pas la permission, mais ne faisait que l’en informer. « Il y en a deux, j’imagine, un qui est déposé chez l’espionné, et un conservé par l’espion pour pouvoir écouter ce qui se dit, ou se passe ? ». La toisant du regard, Gray attendait d’être sûr d’avoir bien compris, mais il ne voulait pas la laisser y aller. Si elle se faisait prendre il n’était pas sûr de la revoir un jour, et elle comptait pour lui c’était son amie. D’autres comptaient clairement sur elle aussi, il ne pouvait donc décemment pas la laisser prendre ce risque pour lui et ses envies de vengeances.

Jambes repliées, toujours de chaque côté du corps féminin, comme si de rien était et que tout était parfaitement normal, le Wolfgang se remit à observer les deux objets, réfléchissant à une solution. Solution qu’il finit par trouver, car quand bien même la situation serait périlleuse, il pourrait s’agir d’un atout majeur qui ferait pencher la balance en sa faveur. Pouvoir trouver une faille chez son paternel. Relevant ses prunelles sombres dans celles de la brune, la sentence finit par tomber. « Si tu dois y aller, je viens avec toi. Hors de question que tu y ailles seule. Pas cette fois. ».

A HELL OF A PLAN

GRAY & CALYPSO

Crazy little things. ✻✻✻ « Tu ne te glisseras pas dans les bouches d’aération Caly. » Evidemment. Le contraire m'aurait étonné. S'il m'avait donné sa bénédiction, je me serais empressée de poser ma main sur son front pour vérifier sa température. Parce que, ainsi que je l'ai dit un peu plus tôt, j'avais déjà ma petite idée quant à la réplique que mon ami allait me donner. Du moins, en partie. J'avais senti ses muscles se raidir sous mes doigts et même son oreille se tendre, à l'affut de la couleuvre que j'allais essayer de lui faire avaler. Le reste, par contre ... En un éclair, il avait pivoté sur son séant et l'instant d'après, je me retrouvai encadrer par ses longues jambes. Autant dire que ma salive avait failli prendre le mauvais chemin. J'étais du genre tactile, ni la proximité ni la familiarité ne m'effrayait. J'oserais même avancer que c'était dans ma nature et mes proches devaient s'en accommoder, à leurs risques et périls. Cependant, avec Gray, ce n'était pas tout à fait la même histoire. Il m'arrivait de le toucher, que ce soit une pression sur son épaule, un baiser rapide sur sa joue, une accolade amicale, mais là ... De mémoire, je ne me souvenais pas m'être déjà retrouvée aussi près de lui. Qu'on se soit retrouvé aussi près l'un de l'autre, plutôt. La situation avait ce quelque chose de perturbant qui pouvait me faire franchir des limites fort discutables. La raison aurait d'ailleurs voulu que je m'empresse de reculer et de rétablir une distance sécuritaire. Au vu du contenu de notre discussion, le geste aurait d'ailleurs été plutôt sensé.

Sauf que je n'étais ni sensée, ni raisonnable.

Aussi me contentai-je de laisser mes bras retomber et de river mon regard au sien, un petit sourire malin creusant mes joues plus roses qu'à l'ordinaire. Mes prunelles luisaient d'une flamme ardente qu'il n'était jamais bon d'attiser. Et malheureusement pour Gray, probablement malgré lui, il l'avait fait. " Ce n'était pas une question, sunshine. " répliquai-je du tac au tac. Celui qui allait m'empêcher de faire quelque chose n'était pas encore né. Seul le Conseil pouvait décider de mon sort et pour l'instant, ce dernier était trop affairé à régler ses petits problèmes du Chasing the Rapture. J'écoutai l'interrogation pertinente du jeune homme et hochai la tête afin de marquer mon acquiescement. " Exactement. Le premier ira là où personne ne pourra le repérer. Quant au second, c'est à toi de me dire. Je suppose que tu veux le garder ici, mais je vais devoir te faire un cours sur les écoutes microphoniques avant. " répondis-je d'un ton taquin. Un brin charmeur, également. Si Gray était sérieux comme un pape, mon niveau de réflexion se situait en cet instant quelque part entre ma tête et mes pieds. A peu près au milieu, si vous voyez ce que je veux dire ... Je trouvai tout de même un minimum de sang-froid dans un éclair de lucidité. Mon ami semblait complètement happé par les deux petits boutons noirs que je lui avais confié. Malgré l'incongruité de notre position, j'éprouvais soudain une empathie toute platonique à son égard. Mes lèvres se froissèrent en biais. Je n'avais rien d'une Altruiste en toile de jute et pourtant, j'étais heurtée par la douleur qui émanait de lui. Une fois de plus. Une fois de trop. " Gray ? Regarde-moi. " D'une pression du pouce et de l'index, je l'obligeai à reporter son attention sur moi. " Tu ne vas pas venir avec moi. Pour commencer, parce que la configuration du circuit d'aération est trop étroit. En gros, tu es trop massif pour ça, tu comprends ? Tu risques de rester coincé ou pire, d'étouffer. Alors, tu oublies ça. " Je rapprochai mon visage du sien. L'ardeur de mon regard était plus vive que jamais. " Je ne sais pas ce qu'il t'a fait. Il y a pleins de choses que je ne sais pas. Sur toi. Et j'ai pas besoin de savoir. Par contre, t'as pas le droit de m'empêcher d'agir. Je peux supporter tes silences mais pas ma propre inaction. Laisse-moi faire ça pour toi. Laisse-moi t'aider au moins pour ça. "

Ma main libre vint caresser brièvement sa joue. Ma bouche soudain sèche dut se faire violence pour en rester là dans sa tirade. Mon corps, s'empêcher de combler un peu plus la distance. Maudits réflexes. Maudite franchise. Damnée soit les émotions mises au jour. Un jour, tout ceci me perdrait.

✻✻✻

CODES © LITTLE WOLF.

« IF YOU SEE I SEE. »

Que le temps s’arrête. Que le temps prenne une pause dans l’espace-temps infini et que plus aucun trouble ne vienne perturber le rythme de leurs vies. Il savait qu’une majorité de personnes ici-bas ne souhaitaient que ça. Voir le temps se figer et par là-même leurs soucis. Qu’il était facile de se laisser porter par les vagues de problèmes. Subir était toujours plus simple qu’agir. Fuir également. Mais n’étaient-ils pas fatigués de prendre la fuite constamment ? Les yeux rivés sur les deux boutons noirs, comme perdus au beau milieu de la paume de sa main, le Wolfgang ne cessait d’avoir l’esprit en pleine réflexion. Les idées s’entrechoquaient, mélangées à des émotions qu’il ne contrôlait pas toujours, mélange de haine et de jubilation. Calypso était un génie, un génie malin et plein de ressource, mais ses mains expertes ne l’avaient pas trompé, il avait deviné le pot aux roses et n’avait eu d’autre choix que de lui faire face. Elle pouvait être sacrément bornée et savait lui tenir tête. Tout comme lui d’ailleurs. Gray n’avait pas conscience que sa posture puisse être mal interprétée, bien au contraire, il ne cessait d’observer ces deux petits objets qu’il tenait en main. Des objets capables d’espionner n’importe qui. Avait-il seulement envie d’entendre à nouveau le son de sa voix ? Tant d’interrogations nouvelles qui lui sautaient aux yeux, maintenant qu’il disposait d’un tel appareil. Levant ses prunelles vers la jeune femme dont les joues légèrement rosies ne l’inquiétèrent outre mesure, le fraternel pinça légèrement les lèvres. Pas une question, ni une demande d’autorisation. Hum. Il préféré ne pas répondre et poser directement sa question, ce à quoi la brunette s’empressa alors de lui donner des explications sur le mécanisme. Elle lui arracha un sourire temporaire. « Il restera ici oui. ». Mais il faudrait qu’il lui dise quelque chose lui aussi, juste… Pas tout de suite. Penchant la tête sur le côté, Gray s’accorda un énième sourire en coin. « Je les aime déjà alors je ne vois pas pourquoi le deuxième irait ailleurs qu’ici, bien planqué dans un recoin. ». Nouveau sourire avant qu’il ne baisse les yeux et redevienne sérieux. Il n’était toujours pas chaud pour que la jeune femme y aille seule, il devait l’accompagner, c’était décidé.

Gray, regarde-moi. Un frisson lui parcourut l’échine lorsqu’il entendit ces mots-là, mais la voix n’avait strictement rien de masculin, et les doigts qui venaient à nouveau se poser contre son menton ne firent que confirmer ce qu’il savait déjà. C’était elle, pas lui. Il laissa ses billes sombres pénétrer dans ses jumelles, bien forcé de croiser son regard. Immobile, il avait doucement refermé ses doigts autour des deux boutons noirs, et les paroles de Calypso ne le firent plus sourire. Trop massif ? Il fronça les sourcils, comme s’il était soudainement contrarié. En soi, c’était le cas mais pas entièrement, ce qui l’embêtait c’était l’hypothèse qu’elle puisse gagner à ce petit jeu, sans qu’il ne puisse rien trouver pour la contredire. Malgré tout, il ne put s’empêcher de se montrer taquin. « Sous-entendrais-tu que je suis trop large ? ». Un sourire narquois au bout des lèvres, il lui adressa un regard lourd de sous-entendu. Gare à ce que tu vas répondre, Caly.

Le visage de l’audacieuse s’était considérablement rapproché, à mesure qu’elle avait prononcé ses mots, et à mesure qu’elle reprenait la parole. De par leur discussion, on aurait pu croire que Gray était lunatique, à force de perdre et retrouver son sourire, mais il n’en était rien de tel, non. Le cadet de la fratrie Wolfgang était tout simplement aussi compliqué à comprendre que les deux autres, lui-même n’était pas certain de se comprendre réellement. Le jeune homme aurait voulu tourner la tête pour ne plus croiser ce regard-là, mais elle coinçait toujours son visage entre son pouce et son index. Oh qu’on ne s’y méprenne, il aurait pu reculer comme il l’avait fait quelques minutes auparavant, mais au lieu de ça il demeura immobile, ne faisant que passer ses prunelles du mur de sa maisonnée de fortune à celles de sa quasi meilleure amie. A l’image de la majorité, Calypso ignorait pas mal de détails sur son compte. S’il voulait lui expliquer, il ne pouvait pas. Il ne s’en sentait pas totalement capable, qui plus est, il avait fait une promesse. Sky’ serait la première à savoir, et il n’y dérogerait pas. Pour autant, la fraternelle savait déjà plus de choses que l’ancienne érudite, et l’inquiétude dans le son de sa voix trouvait un écho dans le cœur fendu en deux du divergent. Un écho qu’il ne pouvait décemment pas laisser de côté, un écho qu’il ne pouvait ignorer.

Il déglutit. Quand la main frôla sa joue. Il déglutit quand il comprit qu’il n’avait rien pour rétorquer à ça. Il ne pourrait l’empêcher d’y aller et de faire cette folie pour lui, quand bien même il refuse catégoriquement. Il ne pourrait même pas l’accompagner, car il ne serait qu’un simple poids sur ses épaules, et sa silhouette risquait de mettre en péril l’opération. Laisser Calypso se rendre dans le bureau de P’ ? C’était complètement insensé, et complètement fou. En y réfléchissant, comment avait-il pu la mettre dans une situation pareille ? Il connaissait son entêtement pourtant. Crétin. Ce fut le mot qui traversa son esprit à cet instant, alors qu’il avait toujours les yeux rivés sur elle. Ce qui est fait est fait. Il ne pouvait plus revenir en arrière à présent. Lentement, Gray vint attraper la main dont le pouce et l’index encadraient toujours son menton. Il la força doucement à le lâcher et vint y déposer les deux boutons en guise d’abdication. Mâchoire crispée, le fraternel détourna les yeux un instant. Faire face au silence qu’elle avait dit. Dans le calme ambiant qui frappait soudain la pièce, un soupir s’échappa des lèvres du jeune homme.

Il attendit que le silence ne soit encore plus grand, en tout et pour tout, 2 minutes maximum, pendant lesquelles il ne fit que croiser les deux billes de l’audacieuse. Jusqu’à ce qu’il ne se décide enfin à le briser, ce mur de silence. Cette abomination silencieuse. « Ce qu’il m’a fait… ». Un murmure lancé comme une bouteille à la mer attendant d’être repêchée, et des prunelles ténébreuses dans lesquelles dansaient les flammes du feu de cheminée plongées parfaitement dans leurs semblables. Il avait refermé les doigts de Calypso sur les deux petits appareils, rompant le contact par la même occasion. Là, il se redressa juste assez pour ne plus être courbé et vint tirer sur le morceau de tissu qui camouflait encore l’hématome de ses cotes fêlées. Mais cet hématome n’était rien comparé au reste. Le T-shirt vola quelques mètres plus loin, trouvant le chemin d’une chaise qui n’était pas à sa place. Oui, il était plutôt bordélique ces derniers temps, car rarement chez lui. Maintenant débarrassé du tissu, Gray attrapa la main libre de la brune et vint la positionner sur la peau de son dos, se rapprochant juste assez d’elle pour qu’elle ne soit pas obligée de se pencher en avant. Il commença à la faire remonter le long de sa colonne vertébrale, frôlant une, puis deux cicatrices avant de la laisser faire son propre chemin. Elle ne pouvait les voir, ce n’était pas ce qu’il voulait pour l’instant, de toute façon, même s’il savait que sa curiosité serait probablement piquée au vif. Il ne lui en voudrait pas de voir. Pour l’heure, il voulait juste qu’elle sente les marques. Dans ses prunelles, les flammes s’étaient éteintes pour ne laisser place qu’aux ténèbres et à la noirceur de son âme.

A HELL OF A PLAN

GRAY & CALYPSO

Crazy little things. ✻✻✻ Ma main quitta sa joue comme une feuille finit toujours par retrouver la loi de l'attraction. Si j'en expérimentais une autre forme, je restais à l'image de cette pauvre feuille, que la réalité retrouvait toujours. Je n'étais pas la tendresse incarnée. J'aimais les effusions, les embrassades, les coups de sang, les crises de nerfs, mais la douceur, elle, c'était le synonyme de l'expectative, de l'incertitude. On était obligé de réfléchir, de calculer ses gestes. Et de baisser sa garde. Trop dangereux en ce qui me concernait. Alors, je ne m'y abandonnais jamais trop longtemps. Une question de survie, quelque part.

Encore une fois, je ne tentais pas de retenir Gray. Outre le coton étrange qui avait remplacé ce qui me servait d'encéphale et le grondement sourd dans mon bas-ventre, j'étais encore suffisamment capable de raisonner pour savoir qu'il m'avait parfaitement entendue et comprise. Mon ami était borné, mais bien plus sage que moi. C'était ce qui faisait de lui l'un des meilleurs être que je connaissais. Il ne cherchait pas à m'affronter à tout prix et respectait mes choix. Il savait m'affronter quand il le fallait, tout comme il savait quand rendre les armes face à moi. Car s'il m'avait refusé ce que j'avais bien l'intention de faire, je me serais contentée de m'exécuter dans son dos et lui aurais envoyé le résultat par pigeon voyageur - ou par talkie, pour rester un minimum réaliste. Puisqu'il m'avait embarqué dans ses histoires mystérieuses, il me devait au moins un peu d'adrénaline. Il me devait ce besoin presque inextinguible d'agir. Il me devait cette justice.

Mais laquelle ? Je n'en avais pas la moindre idée. Il s'agissait davantage d'un pressentiment, d'une sorte de sixième sens un peu moisi, que de faits réels et avérés. Ainsi que je l'avais précisé, il ne m'avait jamais avoué les raisons de sa disparition et pour être honnête, je n'avais pas beaucoup insisté. Je crois qu'au fond, je ne voulais pas vraiment savoir. Certainement parce que je craignais ma propre réaction. Je n'avais pas hérité que du côté tête-brûlé des Audacieux, je possédais aussi leur amour pour la protection de l'autre. Ce trait de caractère était plus dissimulé que l'autre, simplement parce que j'évitais de l'étaler. La faiblesse. On en revenait toujours à cette peur-là, cet orgueil mal placé. Le poids des boutons métalliques dans ma main me rappelèrent le fardeau que je m'étais imposée avec mes petits trafics. Si je ne courbais pas les épaules sous la masse, je luttais néanmoins. Non pour rester en vie, simplement pour assumer cette aide - à double-tranchant, pour mes débiteurs comme pour moi - que j'apportais.

Mes prunelles toujours rivées aux siennes, je m'abîmais dans ces sombres pensées auxquelles je ne m'adonnais d'ordinaire que le soir avant de sombrer dans le lourd sommeil qui me caractérisait. Le silence s'égrainait sans que je m'en rende compte. Ce moment suspendu, celui qui n'appartenait qu'à nous, et malgré la tension qu'il sous-entendait, était tel une grâce étrange. Autant avouer que je faillis sursauter lorsque Gray se ranima tout à coup, paroles flottant entre nous et tee-shirt valsant à travers la pièce. Ma salive faillit faire fausse route et je haussai un sourcil, me reculant légèrement. Ce qu'il m'a fait ... Son murmure résonnait douloureusement, tournait en boucle. Enfin, j'allais savoir. Et là encore, je n'étais pas sûre de le vouloir.

Pourtant, je lui abandonnai mes doigts et me laissai guider. La gorge nouée, bouche frémissante, je marquai un mouvement de recul alors que mon derme effleurait les boursoufflures du sien. Inutile de voir une cicatrice quand le toucher valait mille coups d'oeil. " Seigneur ... " Je n'étais pas du genre à faire appel au Grand Manitou. Les Erudits appréciaient le concret, on les élevait en ce sens, à ne croire que ce qu'ils pouvaient prouver. Quant aux Audacieux, la plupart ne croyait qu'en la Famille et en l'Ordre. Tant de majuscules dont le sens n'effleurait même pas l'horreur de ce qui se dessinait sous mes doigts ... La surprise passée, je continuai mon chemin de courbes dans son dos. Muette. D'indignation. Ou d'autre chose ? Il était difficile de toucher Gray. Il le tolérait de ma part, bon gré mal gré et d'une durée la plus courte possible. Alors me donner l'autorisation de parcourir son honteux secret ? C'était plus qu'inattendu.

J'ignorais ce qui attisait le plus ma colère : le reliquat d'une cruauté sans nom ou les ténèbres d'une inouïe violence que je décelais dans son regard. Nos deux violences se heurtaient, aussi proches que l'étaient nos deux corps en cet instant. Ma poitrine se soulevait au rythme de mes gestes. Mon coeur s'était emballé. Un tambour de guerre, voilà à quoi ressemblait le son des battements qui me heurtaient les côtes. " Il paiera, sweety. Quand j'en aurais fini avec lui, tout ce qu'il lui restera sera le goût amer de cette justice à laquelle il a échappé trop longtemps. " The Wicked Witch. Calypso, la déesse des machines. Il connaîtrait mon nom sans avoir besoin de m'implorer, j'en faisais la promesse tacite. Nul sourire après cette sentence. Bien dure, même pour moi, si volubile d'habitude. Le Fraternel avait révélé cette fureur que je dissimulais sous mon exubérance si agaçante pour certains. Et sous cet élan inédit, mes lèvres s'étaient rapprochées des siennes, en effleurant lascivement la pulpe tandis que la dernière barrière branlante qui séparait ma raison de mon instinct menaçait plus que jamais de céder.

Si près de la damnation, défais-toi de moi, mon ami, avant qu'il n'y ait plus de retour possible ...

✻✻✻

CODES © LITTLE WOLF.

« THIS IS MY FIGHT. »

Il avait posé ses doigts contre les boursoufflures de la peau de son dos, les cicatrices les plus symboliques mais pas les plus horribles à ses yeux. Marque du temps, marque de violence, synonyme d’une enfance tourmentée et d’une éducation décalée. Condamné à le cacher. Aux yeux des autres, de tous, et ne jamais montrer un signe de souffrance. Dès le lendemain de ce méfait le jeune garçon qu’il était alors avait dû retourner à l’école. Dès le lendemain, alors qu’il ne supportait pas la chaleur des draps de son lit effleurant sa peau meurtri, il avait dû faire comme s’il n’était qu’un enfant ordinaire. Mais il ne l’était pas, ordinaire. Le père Wolfgang avait bien d’autres idées en tête, et ses enfants ne pouvaient décemment pas être faibles ou uniquement ordinaires. Ils lui serviraient, quoi qu’il advienne, quoi qu’il en coûte. Que pensait donc P’ à l’heure actuelle lorsqu’il repensait à tous ses projets d’antan ? Que pensait-il au moment où il avait vu son second fils lui tourner le dos, lever les yeux vers lui, pêchant ses semblables, pour mieux se rire de cet être qu’il méprisait en silence depuis tant d’années. Qu’avait-il bien pu penser quand la cravate était venue s’écraser sur le sol froid de la salle de Cérémonie, devant une foule pleine à craquée ? Avait-il ressenti de la honte ? Cette honte de devoir cacher un mécontentement certain ? Ce jour-là, Gray avait jubilé intérieurement comme personne face à une liberté qu’il pensait trouvée. La liberté il l’eut pendant près de six longues années sans qu’aucun nuage ne vienne ternir son environnement. Jusqu’à ce jour. Jusqu’à ce que Joe ne le retrouve. Jusqu’à ce qu’elle ne lui apprenne la triste vérité : elle savait qu’il était Divergent. De par son statut il était devenu un danger pour lui-même, mais également pour elle. Ce jour-là il avait compris que jamais P’ n’avait disparu de sa vie, et que s’il apprenait la vérité il aurait un moyen de pression évident contre lui. Ou pire encore, il n’hésiterait pas à tuer. Eliminer la menace. Faire de son fils un exemple aux yeux de Rosenbach pour simplement appuyer sa fidélité face au Conseil. P’ était fou, et il ne reculerait devant rien.

En silence et sans bruit, c’est ainsi qu’il la laissa prendre ses appuis, ses marques pour mieux comprendre toute l’horreur et la colère qu’il pouvait ressentir face à ce père tortionnaire. Il ne voulait pas qu’elle prenne de risques inconditionnés pour lui, mais il s’était fait une raison. Il connaissait Calypso mieux que personne, et il savait quand se rétracter. Quand il fallait abdiquer. En règle générale Gray n’était clairement pas du genre à laisser quiconque le toucher de la sorte, à l’exception de Sky. Même pas sa propre sœur ne pouvait se darder d’avoir un jour effleuré du bout des doigts les cicatrices de son frère, cicatrices qu’ils partageaient quasiment à l’identique. Aujourd’hui, il voulait qu’elle comprenne, que l’ancienne érudite comprenne un bout de son passé, la raison de son acharnement étrange vis-à-vis d’un homme qui se trouvait si loin de lui, et pourtant si près. Les prunelles sombres du fraternel se perdaient dans celles de la brune, analysant sa réaction, apercevant sa surprise lorsqu’elle frôla son derme. Et la surprise se mélangea à une expression divine qui aurait pu le faire sourire si ce moment partagé n’était pas aussi important à ses yeux. Le jeune homme ne voulait pas de compassion, ni de pitié, il savait vivre avec ces chimères, ces démons qui hantaient ses nuits. Perdu dans les ténèbres, Gray ne faisait que partager un bout de son monde, conscient que des démons, Calypso en avait également son lot, et bien qu’il ne mette aucun mot sur ce qu’il s’était passé pour lui, sur la raison de ces marques creusées dans son dos, il n’en demeurait pas moins qu’un effort considérable était fait. Mais il ne voulait pas de pitié. Aucune.

Les mots franchirent les lèvres de la jeune femme avec une rapidité déconcertante, troublant le silence ambiant. Lentement, les sourcils du divergent s’étaient froncés face à la réaction de la brunette, non pas de colère, bien au contraire il était touché par ses paroles, mais plutôt par crainte qu’elle ne fasse de bêtises.

« Il ne faut pas le sous-estimer Caly. Oui, il paiera, mais de ma main, pas de la tienne. Ce que tu fais, et ce que tu vas faire est déjà bien assez dangereux comme ça. Je ne voudrais pas qu’il t’arrive malheur… Et on ne peut vraiment pas le sous-estimer. ». Il insistait mais c’était la vérité. « Il a des appuis, du soutien au sein du Conseil. Ce secret-là doit encore être gardé. Combien de temps ? Je n’en sais rien, mais il ne peut être révélé. Tu dois me promettre de ne rien dire. Personne ne doit soupçonner que tu sais quelque chose. ». Et encore elle était loin de tout savoir, il ne pourrait en dire plus, il avait lui-même fait une promesse à quelqu’un d’autre.

Si le temps avait choisi cet instant pour s’arrêter il n’aurait pu le deviner. En l’espace de quelques secondes à peine, ils s’étaient retrouvés plus proches l’un de l’autre que jamais. Cela n’aurait pas dû être le cas, mais l’espace-temps venait bel et bien de se mettre en suspens. Lentement, sa main vint récupérer les doigts de la jeune femme restés dans son dos pour mettre fin à la torture qu’il pouvait à présent lire dans ses prunelles. Il ne voulait pas la contrarier ou lui faire du mal. Alors il contemplait ce reflet dans le creux de ses yeux, y lisait toute la colère du monde. L’océan de ses prunelles s’était assombri et la tornade Calypso, prête à s’abattre sur tous ceux qui pourraient faire du mal à ceux qu’elle aimait. Et le temps s’était arrêté, entre eux, deux âmes ébranlées, deux âmes touchées par des maux que la société leur avait adressé sur le coin de la tronche. Mais ils étaient là, à cet instant, deux êtres dans la même pièce, si proches, trop proches. Sûrement. Elle était sa meilleure amie. Étaient-ils vraiment supposés franchir cette barrière même le temps d’un instant ? Le temps d’un arrêt. Arrêté, le temps, qu’il était. Et quand finalement la proximité est trop grande, quand plus rien ne vous retient, vous vous laissez simplement tomber dans les méandres de ces tourments qui vous affligent. Les lèvres fraternelles vinrent briser le peu de barrières qu’il leur restait à franchir. Si la douceur fut de mise au début, elle ne coïncidait pas avec le caractère de l’audacieuse, il le savait. Cette léthargie ressentit après ses aveux, il ne voulait plus le voir dans ses yeux. Et si pour ça ils devaient se damner aujourd’hui alors tant pis.

A HELL OF A PLAN

GRAY & CALYPSO

Crazy little things. ✻✻✻ Les démons étaient des entités insidieuses. Quand certains étaient visibles par tous, ce qu'on appelait généralement "addiction" ou "trouble du comportement", d'autres étaient si profonds, si ancrés, si bien dissimulés, que nul ne les aurait même simplement soupçonné. Des ombres muettes, un reflet fugace dans un regard, au mieux des confidences ... La vérité explose alors, inattendue. Qui est cette personne qui se tient là, devant moi ? Où est passée l'âme que j'ai connu et aimé ? se demande-t-on soudain, pris à la gorge par le choc de cette révélation. La vision de cet autre devenu vraiment Autre est effrayant, ébranle vos convictions, jusqu'à vos fondations. La naïveté est humaine. Cruelle, également.

Je n'ai pas été réellement surprise par les révélations de Gray. Par le contenu, forcément. Personne ne veut imaginer ce genre d'horreurs, nul ne veut les imaginer subies par quelqu'un que l'on aime. Non, ce que j'entends par là, c'est que la flamme, les ombres, les démons, je les avais vu. Chez lui. En lui. C'est à se demander comment il a atterri chez les Fraternels tant il se dissimule mal. Il n'a pas leur jovialité, leur candeur, leur tranquillité. Mon ami marche en compagnie d'une aura noircie par les peines. Il a eu beau fuir, se refaire une existence loin de ses douleurs passées et de leur auteur, elle le suit. Et surtout, il l'entretient.

Comme je le comprends ! Car ce qu'il a éveillé en moi par ses révélations n'est pas seulement cet instinct primaire, protecteur, cette réaction des plus humaines qui consiste à vouloir le bien-être de ses proches. A dire vrai, il a parlé à mon propre passé, à mes propres ombres. L'écho a transcendé mon esprit pragmatique et mon optimisme légendaire. Je me suis revue quelques années en arrière, apprendre que ma mère avait été déchue de sa Faction, emportée loin de sa famille. J'ai pris en pleine figure la fois où j'ai débarqué chez mon père et ai trouvé Elio, affamé, tandis que notre géniteur était enfermé dans son maudit bureau, à faire et refaire les plans du Labyrinthe. J'entends encore les cris, les menaces, mes phalanges craquer sous l'envie impérieuse de ce poing que je lui aurais bien mis dans le nez, histoire qu'il reprenne ses esprits. La force que j'ai dû déployer pour m'en abstenir. Et mon coeur se briser en un million de morceaux lorsque j'ai compris que jamais, je ne pourrais sauver cet homme, mon modèle, celui qui m'avait tout appris. Alors, même si je n'avais pas vécu de traumatismes semblables, en effet, je ne comprenais que trop.

" Tu as ma parole. " répliqué-je à ses suppliques. Personne ne saurait rien de ses manigances, ni de la justice recherchée. Quand il s'agissait de mener à bien quelques mauvais coups, je n'avais rien de la frustre tempête que l'on connaissait au quotidien. Je pouvais être une tombe. Pour mieux envoyer les coupables dans la leur. " Je me protègerai autant que je le fais pour toi. " Pieux mensonge, tout de même. Je n'étais pas une Sincère, donc aucune obligation de lui révéler que je comptais bien en tirer ma part de gloire, d'une manière ou d'une autre. Que je le veuille ou non, qu'il le veuille ou non, rien n'était jamais gratuit avec moi. J'avais un ego à contenter. Une soif d'équité à étancher.

A quel moment la distance entre nous avait-elle été comblée ? Pourquoi n'avait-il pas reculé ? D'ailleurs, était-ce moi qui avais avancé à ce point ? Ou la danse avait-elle été de couple ? Je ne savais guère plus répondre à cette question en cet instant, que celui d'avant. Ma raison avait depuis longtemps déclaré forfait au profit de mes sensations. Ce derme si près du mien, son souffle sur mes lèvres ... Puis, ses lèvres, tout simplement. Mes pensées s'évanouirent tout à fait. Si Gray eut une hésitation, je n'en eu pas la moindre. J'avais conscience de ce qu'il représentait pour moi, de ce platonisme que nous avions savamment entretenu et dont nous nous étions parfaitement contentés jusqu'ici. Il était mon ami et le resterait, quoi qu'il arrive. Néanmoins, je le voulais. Ici, maintenant, de cette manière. Je répondais à son baiser avec langueur, presque trop délicate pour être honnête. Ma veste alla rejoindre le sol et je nous séparais le temps de retirer mon tee-shirt, lui révélant pour la première fois ces courbes que ni l'un ni l'autre n'aurait pensé voir réclamées un jour. Prenant soin de ne pas m'attarder sur son dos, je remontai mes mains sur ses joues et l'entrainai avec moi tandis que je m'allongeai sur les draps défaits, mes cuisses frôlant ses hanches, mon torse contre le sien, mes lippes happant les siennes.

Je me sentais brûlante. Vivante.
La fièvre au coeur.
Et le diable au corps.
Dans le balai de deux corps ainsi envoutés, comme la damnation était aisée ...

✻✻✻

CODES © LITTLE WOLF.

« CLOSE YOUR EYES AND TAKE MY HANDS. »

Tu as ma parole.

Intérieurement, il voudrait insister sur le danger encouru. Le danger dans lequel elle s’embarquait. Il voulait qu’elle en soit pleinement consciente, s’il acceptait de la laisser faire il fallait réellement qu’elle mesure tous les risques. L’infime part du secret concernant P’ qu’il venait de lui révéler se devait d’être maintenu dans l’ombre. Encore. Il éclaterait, au grand jour, un jour, lointain ou proche il n’en savait rien. Tout dépendait de la suite des évènements. Ce qu’il ignorait en revanche, c’était que les choses allaient devenir de plus en plus compliquées pour lui. Des jours sombres approchaient à grands pas. Des jours sombres dont il ignorait la teneur, mais une chose était sûre cependant, il n’en ressortirait pas indemne.

Rassuré par un certains mensonge, Gray n’avait pas envie de se battre avec elle. Il connaissait son tempérament de feu tout comme il la savait débrouillarde et professionnelle. C’était donc avec confiance qu’il prenait ses mots tout en les mesurant. L’éclat de noirceur dans ses prunelles était là uniquement parce qu’il l’autorisait à le voir, le divergent savait mentir et manipuler, il n’en usait simplement pas ici avec elle. Sans doute était-ce mieux qu’elle ignore également ce détail sur sa vie. Encore une information passée sous silence. Le silence, son plus fidèle allié dans la bataille qu’il avait toujours menée. Au-delà de sa capacité à mentir et à se fondre dans une faction, il demeurait surtout un divergent, et bien qu’il ne se considère pas proche de la morale fraternelle ou altruiste, il réussissait à s’en montrer capable selon la situation. Depuis son choix lors de cette fichue Cérémonie, Gray avait appris sans même s’en rendre compte à utiliser cette différence tapie dans l’ombre de son for intérieur. Il était passé entre les mailles du filet, deux fois. La première simulation n’avait pas été concluante mais ils en étaient venus à penser que les Erudits étaient le mieux pour lui. Son évasion l’avait mené jusqu’aux contrées fraternelles, au grand damne de son père et une nouvelle simulation avait été utilisée. Ne pas utiliser la violence. Là encore, il était passé entre les gouttes. Pour autant, ce serait à refaire, peut-être n’y arriverait-il pas. La soif de vengeance prenant le pas sur bien de ses traits de caractère, la colère n’avait fait que grandir en son sein, le poussant à commettre des erreurs. Il y en aurait une qui lui serait fatale d’ici peu.

Nul ne sait s’il s’agissait de la distance qui était beaucoup trop fine, l’importance de l’instant ou bien le reflet sombre dans les prunelles de l’audacieuse, mais il prit le parti de briser les derniers centimètres qui les séparaient. Lentement il empruntait la pente glissante de leurs âmes tourmentées. Simples amis, c’est ce qu’ils étaient et ne seraient jamais plus. L’un comme l’autre le savait. Pourtant, qu’il était soudainement bon de se perdre dans les méandres de ces yeux qui n’avaient eu de cesse de le fixer. Une pointe d’hésitation avait été ressentie au premier abord, mais Calypso n’en avait aucune, et si le premier baiser fut tendre, il n’en demeurerait rien par la suite, il n’en était que trop conscient, et loin de s’en plaindre. En silence il passa sur les courbes féminines, n’hésitant pas à se frayer un chemin sous le haut qu’elle arborait encore. En silence, un nouvel éclat prenait possession de ses prunelles sombres, beaucoup plus vivace et fiévreux qu’avant. En silence, il la laissait les séparer temporairement, le temps que la veste et le T-shirt ne tombent. Les mains glissées sur ses joues, Gray se laissa emmener dans cette langoureuse vague dont l’écume les enveloppait avec ardeur. Lèvres contre les siennes, il oubliait totalement la douleur de ses cotes fêlées et les épreuves passées. Seul comptait l’instant qui venait de se figer dans l’espace-temps. Il n’y avait nul place pour de l’amour ici, tout n’était qu’un simple besoin de sentir l’autre contre soi. Ses mains glissaient sur les courbes, les effleurant parfois du bout des doigts ou au contraire avec plus de force et d’envie. Elles descendirent jusqu’à rencontrer cet autre morceau de tissus qui les gênaient dans leur ascension. Il voulait sentir sa peau contre la sienne, pouvoir en toucher chaque parcelle dans une fièvre qui n’appartenait qu’à eux.

Avec un certain empressement et tout en répondant à ces lèvres qui happaient les siennes avec envie, il retira ce pantalon jugé trop gênant et l’envoya rejoindre les hauts de l’audacieuse qui se trouvaient un peu plus loin. Comme pour ne pas qu’il y ait de jaloux, ses mains trouvèrent ensuite la boucle de sa propre ceinture et bientôt il put profiter pleinement de ce contact auquel il voulait s’attacher. Là, maintenant. Il caressait la peau mise à nue de la jeune femme, échangeait avec elle un véritable discours universel avant que ses lèvres ne la quitte pour mieux venir trouver la peau délicate de son cou. Ses mains remontant le long de ses cuisses jusqu’à la fine lingerie qui recouvrait d’autres courbes, Gray jouait avec le feu, attisait la flamme qui était pourtant bien là depuis déjà plusieurs secondes. Avec une pointe de défi dans les yeux, il la pinça gentiment au niveau des hanches, juste assez pour éveiller un peu plus ce côté sauvage qu’il soupçonnait et connaissait sans pour autant y avoir goûté. Leurs souffles échangés battaient le rythme et donnaient le tempo dans cette symphonie qui ressemblerait à s’y méprendre à un match amical de pouvoirs. La sentir là, collée contre lui, c’était ça qu’il voulait, et la raison n’était plus, plus rien n’avait de sens ou de logique, seul demeurait la sensation de se perdre dans le vide. Une pente vertigineuse qu’il voulait savamment emprunter. Pour s’oublier.

A HELL OF A PLAN

GRAY & CALYPSO

Crazy little things. ✻✻✻ Le jeu était dangereux. Délétère. Il aurait été fou de croire que l'on pouvait ainsi s'amuser des codes et que cela n'aurait eu aucune conséquence. Et j'étais loin d'être folle. Juste irraisonné. Irraisonnable. Dans tous les sens du terme, premier comme figuré, littéral comme imagé. L'après ne m'effleurait pas l'esprit une seule seconde, hypnotisée que j'étais par le maintenant. Un présent au goût délicieux, aux effluves des corps embrasés et aux sonorités de notre empressement mutuel. Pourquoi y réfléchir ? Comment oser imaginer tout arrêter ? Qu'on m'en donne le prétexte immédiatement. Qu'on me donne le troisième oeil et une boule de cristal. Et là peut-être ... Peut-être que ... Non. Rien n'aurait pu arrêter le trajet de mes doigts sur sa peau, celui de la pulpe de mes lippes avide de chair à déguster. Profaner. Quoi que nous étions en train d'anéantir, j'étais persuadée que ce moment en valait la peine. Je l'étais toujours, d'ailleurs. Inconsciente et insouciante, mes pulsions passaient souvent avant mon intelligence. Quand ces deux pans ne pouvaient fusionner, alors ils se contredisaient. Etait-ce l'un ou l'autre, avec Gray ? Communion ou opposition ? J'avais ma petite idée sur la question.

Car, tandis que mon pantalon quittait mes jambes, l'appel de son corps me paraissait plutôt limpide. A peine devions-nous nous séparer pour nous défaire de quelque tissu encombrant que nous nous retrouvions. Ma respiration sourde, saccadée, s'émettait en légers gémissements extatiques dès qu'il m'effleurait, à chaque vêtement retiré. Je me sentais comme embrumée, enveloppée dans un voile de coton. Je respirais à grand-peine, étouffée par la vapeur de nos souffles mélangés malgré notre commune nudité. Etais-je en train de me noyer ? Oui, en lui, probablement. Plus ou moins extirpée de mon doux Ailleurs par une pression douloureuse sur mes hanches, je rouvris les paupières et lui jetai un regard aussi acéré qu'enflammé. Visiblement, mon amant d'une journée n'entendait pas me laisser perdre ma nature impétueuse. Le résultat fut immédiat. J'enroulai mes jambes autour de lui et attirai en moi la dernière partie de lui qu'il me manquait. Un sursaut d'ivresse plus tard, je happai ses lèvres avec fougue tandis que nous entamions la nouvelle chorégraphie de notre danse. Mes doigts trouvèrent le chemin de son séant dont les muscles roulaient sous l'effort.

Puis, les rôles durent s'inverser. Communion ou opposition ? Soudain, les certitudes se brouillaient, à l'image du moment lui-même, imprévisible et hors du temps. Je repoussai vivement son torse et lui intimai de changer de posture. Bientôt, je me retrouvai au-dessus de lui, mes mèches brunes relâchées dans l'action caressant les courbes de ses pectoraux, ma bouche happant la peau de ces derniers pour mieux descendre, et descendre encore ... Le va et vient fut tout autre, en théorie destiné à son seul plaisir. Lorsque je me redressai enfin, ce fut pour mieux revenir à notre ballet fiévreux, sans complexe aucun. Et pourquoi aurais-je dû en avoir ? Si l'enfer était les autres, alors qu'on me donne un aller simple, parce que de cet Autre-là, je n'avais pas du tout envie d'en revenir.

✻✻✻

CODES © LITTLE WOLF.

« LET’S GET IT HIGH. »

Toucher. Caresse. Ivresse. Ivresse d’un instant, d’un moment. Les corps s’épousent et se jalousent autant qu’il se cherche dans ce jeu dangereux qu’ils mènent. Les doigts effleurent, tirent et retirent chaque tissu, pendant que leurs lèvres se trouvent un peu plus ardemment que la fois précédente. Seul le son de leurs souffles qui s’échangent vient troubler le silence environnant de la maisonnée. Le temps n’existe plus et n’y suit plus son cours.

Il avait vu, ce reflet dans ses yeux et ses iris s’étrécir, à l’instant même où il avait osé la sortir de cette bulle dorée pour mieux conserver son tempérament de feu. Ses mains cherchaient, exploraient avec force ces courbes qu’il ne connaissait pas. Sûrement le jeu était-il beaucoup trop dangereux, mais il était à présent trop tard pour reculer, son esprit ne répondait plus de rien si ce n’était de ce besoin brûlant de la sentir contre lui, entière, vivante. En voyant cet air dans le regard de l’audacieuse, il ne put que lui offrir un large sourire en coin. Le défi était lancé. De son air sournois et satisfait, Gray vint passer une main dans les cheveux défaits de la brune avant que celle-ci ne redescende pour mieux trouver la chair du creux de son dos, comme pour la pousser à se cambrer davantage. Il la sentit répondre avec ferveur, lorsque ses jambes s’enroulèrent autour de lui, l’obligeant à rompre définitivement la distance, là où lui continuait de l’attirer de cette main malicieuse exerçant toujours une douce pression contre son derme. En un souffle il se perdit dans les méandres de cet élan qui les avait tous deux surpris.

Ses lèvres kidnappèrent à nouveau les siennes, baisers auxquels il répondait avec délectation, leurs corps entrelacés dans une nouvelle danse. Avec lenteur, il caressait la peau du bas de son dos, laissant ses doigts glisser, entre deux coups de rein, vers la chair tendre de ses cuisses. Le divergent la voulait tout entière pour mieux lui faire perdre la raison. Il se perdait avec elle dans cette valse où tout semblait tournoyer autour d’eux. Seul comptait l’instant, seul comptait le moment et ces soupirs qui s’évaporaient jusque dans les profondeurs de leurs baisers. Il mettait progressivement tous les sens de Calypso en alerte, laissant ses mains chaudes prendre tous les chemins possibles, du derme de ses cuisses à sa poitrine jusqu’à finalement venir encadrer son visage, alors qu’il emprisonnait une énième fois ces lèvres pulpeuses dont il n’arrivait à se séparer plus d’une seconde. Sans doute la pression de ses mains et le rythme de leur danse devinrent un peu trop passionnés, car tandis que les soupirs se perdaient contre elle, il fut bientôt bloqué dans son élan.

La respiration saccadée, les prunelles sombres se rouvrirent sur la silhouette féminine étendue au-dessous sur ses draps. Dans ses yeux, les flammes du désir dansaient sans relâche là où la fièvre semblait le consumer de l’intérieur. L’on aurait presque pu y lire une pointe de contrariété à l’idée qu’elle puisse tout arrêter en un claquement de doigts. Malgré l’envie animale qui le prenait de passer outre, il décida de se faire docile et accepta de basculer sur le côté pour mieux inverser leurs positions. Il l’avait appris par le passé, se faire désirer passait aussi par l’abdication temporaire, passive. Mais Calypso n’avait rien de l’érudite connue autrefois et qui avait assouvi ses désirs les plus mystérieux avec lui. Calypso était libre, déterminée et savait parfaitement ce qu’elle voulait. Aussi sauvage qu’animale. Aussi impétueuse que la tornade elle-même. En cela chacun devait trouver son compte, dominer autant qu’accepter de l’être. Allongé sur le dos, sa poitrine se soulevait et s’abaissait à mesure qu’il apaisait sa respiration sans pour autant trop vouloir la calmer. Il n’eut pas besoin de contrôler ce détail trop longtemps car déjà la jeune femme se lançait dans une nouvelle mélodie au goût particulier. Un fin sourire étira ses traits avant qu’il ne se laisse bercer par le pouvoir de ces baisers fiévreux qu’elle lui offrait. Il connaissait ce tour de passe-passe, ne la retenant pas, happé par les affres de cette danse endiablée dont il en mémorisait chaque instant. Il aurait pu l’obliger à remonter, mais il n’en fit rien, se contentant de sentir ses poumons se remplir d’air à un rythme qui redevenait irrégulier et lui offrir ces soupirs de plaisir qu’elle espérait sûrement entendre.

Le plafond tanguait sous ses pupilles qui se dilataient, et lorsqu’elle daigna enfin remonter pour rapprocher son visage du sien, il ne se fit pas prier. En un éclair, une main passa de sa nuque au haut de son crâne, doigts entremêlés fermement dans les longs cheveux en bataille. Ses lèvres emprisonnèrent les siennes avec un désir brûlant, séparées depuis trop longtemps, partageant avec elle ces jeux de langues universels qui ne mentaient à personne. Gray se redressa pour mieux la coller à lui pendant que sa main libre remontait lascivement du séant de la brune au creux de son dos. Assis, il pouvait lui faire face, sentir son souffle se mélanger au sien, lui offrant un ballet d’un tout autre genre. Eveil des sens, fin de l’innocence. A ce moment précis sans doute étaient-ils enfin dans cette communion qu’ils se battaient pour obtenir. Les va-et-vient, insatiables, paraissaient les transporter dans cet Ailleurs dont ils en cherchaient les couleurs. Il la sentait, la peau brûlante de son corps venir claquer contre le sien. Il les sentait, les quelques gouttes qui commençaient à perler sur son front et jusque dans son âme. L’écho de l’oubli. Que jamais cela ne cesse, osait-il penser. Mais quand la passion vous anime et qu’elle se fait davantage violence, il devient difficile de se séparer de ce côté indompté. Alors le supposé fraternel ne demanda pas la permission, faisant basculer leurs corps une nouvelle fois pour mieux surplomber toute l’étendue de ces courbes au sein desquelles il se perdait définitivement. Ses mains kidnappèrent les siennes, jeu de frustration, tandis que dans son sillage il offrait à leur danse un nouveau rythme, une profondeur intense.