In the shadow of our true nature

FT. PHOEBE L. PARKER

L’air frais de la fin de journée vient fouetter son visage au moment-même où il descend enfin de ce train mal fréquenté à son goût. Il a troqué son costume pour des vêtements plus simples, dans les teintes sombres, mais ordinaires et il se sent respirer, presque revivre. Jamais encore il n’a mis les pieds dans les contrées fraternelles, terres riches de verdure et d’odeur de terre humide. C’est ce qui le frappe en premier, en plus de devoir refermer un peu plus le col de sa veste. Il aurait dû choisir plus épais, il a surestimé la chaleur de ces terres, bien trop habitué aux effluves chaudes du centre-ville et de ses éclairages à outrance. A peine ses pieds heurtent le sol frais et humide de l’herbe  qu’il comprend combien il a bien fait d’oublier l’idée de mettre un costume. La seule chose qu’il trimballe avec lui est un dossier qu’il garde à l’intérieur de sa veste, précieusement contre son torse. Lentement, il s’avance entre les arbres tandis que la lueur du jour tant à décliner, laissant place au voile céleste et morbide de la nuit noire. Ici, plus qu’ailleurs, ils doivent être en mesure de voir les étoiles.

Si l’affaire n’était pas aussi importante et en somme, urgente, Gabriel n’aurait même pas pris la peine de se déplacer jusqu’ici. Le temps joue en sa défaveur et il n’a récupéré ce cas qu’il y a peu, pour ne pas dire le matin même. La tâche s’avère plus délicate que prévue, surtout étant donné le client qu’il défend, mais il ne peut pas se rendre au tribunal ou partager quelques heures d’interrogatoires avec ce fameux client s’il n’a pas déjà eu une autre version des faits. Une seconde version de l’histoire, autre que celle décrite dans ce fameux dossier qu’il détient. Le drame a plusieurs années, vieux de presque une bonne dizaine. Ne demeure comme vestige, souvenir de ces deux êtres aimants, qu’une petite fille ayant dépassé la majorité de quelques années. Elle est si jeune et a pourtant déjà connu le pire. Le sincère ne peut pas se permettre d’avoir de la peine, mais cela ne l’empêche pas d’être humain et de savoir que ce qu’il s’apprête à annoncer à la jeune femme n’est pas chose facile. Ni à dire, ni à entendre. Tout ce qu’il se doit d’être, c’est l’homme professionnel qu’il est en temps normal, celui presque dépourvu de tous sentiments quand en réalité il en déborde.

Il a appris de source sûre qu’elle se produirait ce soir, tout du moins, qu’il a de grandes chances de la croiser sur ces terres, au Harvest, ici, presque par hasard. On lui a également parlé de la voix d’or et des chants qui se font véritable trésor. Ce n’est pas son genre de pavaner à l’extérieur, de profiter de tout ce que le monde de la nuit peut et a à offrir, mais quelque chose lui dit que ce soir, au-delà du travail qui l’amène, il n’en ressortira pas totalement indemne. En silence, le Blackwood s’avance sur ces terres riches de promesses et de fraternité, il n’en saisit pas bien le concept ni même les préceptes mais il se montre respectueux et poli. On ne lui a pas appris à détester les autres factions, bien au contraire, même s’il ne les comprend pas toutes. Même si les préjugés peuvent parfois demeurer au premier abord. Gabriel est pleinement capable de perdre ses gonds avec n’importe qui, aussi bien un sincère, comme lui, qu’un altruiste ou encore un érudit. Sa franchise est quelque chose d’inné qui fait partie de lui, en aucun cas elle ne revendique une quelconque appartenance à telle ou telle catégorie. L’on mettrait sur ces éventuels travers, qu’une vulgaire conséquence de son éducation. En bon riche qu’il est, il n’a jamais manqué de rien. Il ne peut pas savoir ce que c’est. La vie simple, il ne connait pas. Le choix, pas vraiment non plus, si ce n’est depuis tout au plus deux années.

Lorsque ses pas s’arrêtent à la porte en bois typique du Harvest, c’est d’une manière presque timide qu’il ose enfin pénétrer à l’intérieur. La musique résonne déjà bon train, mais personne n’est sur scène, il est encore trop tôt. Ce n’est pas grave il attendra. Il a presque toute la nuit. Presque.

***

Elle descend les marches en bois et les applaudissements se terminent en douceur, certains fraternels retournant à leurs liqueurs et autres boissons de bonheur. Il n’attaque pas tout de suite, lui laisse le temps de respirer et de reprendre ses aises, ou simplement pied à la réalité. S’il a aimé la prestation, comme transporté dans ses propres réflexions, Gabriel est contraint d’en ressortir bien rapidement, pour ne pas manquer le coche. L’occasion il la saisit du bout des doigts et ne la laisse volontairement filer. D’un pas et d’un seul, il vient se positionner face à la brune, des traits charmants et détendus ornant son visage. Il en serait presque un brin maladroit. Presque.

« Mademoiselle Parker ? »

Son identité est une évidence, mais comme tout réflexe humain, il ne peut s’empêcher d’en avoir la confirmation.

« Gabriel Blackwood, avocat. Je souhaiterais vous parler à propos d’une affaire. Est-ce que vous auriez quelques minutes de votre temps à m’accorder ? »

Peu sûr qu’elle accepte, il en profite pour rajouter d’une voix un peu plus basse.

« Le dossier sur la mort de vos parents a été rouvert. La Police a coincé l’un des responsables du meurtre. »

Gabriel & Phoebe

« Singing has always been such a source of strength for me, as has music. I’m in a position right now where I can choose to rise or fall, and you don’t really know how strong you are until your only option is to be strong. So if I can take whatever my situation is and hopefully provide someone with a sense of strength or courage, then I know that that’s exactly what my purpose is. » Lea Michele

J'étais de retour à la faction de Fraternels pour une soirée bien spéciale, pour moi comme pour beaucoup. Aux vues des derniers événements, les Fraternels avaient organisé une espèce de soirée hommage aux victimes, une façon de permettre aux uns d'exprimer leurs sentiments et aux autres de trouver les paroles qui, à défaut d'alléger leur peine, leur donnerait au moins la sensation d'être compris et de pouvoir se dire qu'enfin ils pouvaient mettre des mots sur leurs afflictions. J'avais, pour des raisons évidentes, figurée en haut de la liste des personnes qui mèneraient la danse ce soir et je crois que c'était ce qu'il me fallait. La musique était ma forme de thérapie et pouvoir la partager était une sorte de délivrance tout autant que cela était effrayant. Chanter des chansons qui vous tiennent à coeur mais dont vous seul connaissez le sens est une chose. En chanter dont le sens est plus que facile à décoder en est une autre. Pour la seconde fois de ma vie, je devais retirer ma cuirasse et accepter de me montrer vulnérable. J'apprenais. Et en un sens, accepter de le faire avait un côté... rassurant. Il était si facile de perdre le contact avec qui j'étais, d'oublier quelles avaient été mes motivations premières. C'était ce genre de moment qui me reconnectait avec moi même et me permettait de garder l'humanité que cette vie tentait si durement de m'arracher.
J'avais préparé tout un catalogue de chanson pour cette soirée : Wings Beneath my Wings du film Beaches, Your Love is my Saving Grace et Borrowed Angels de Kristin Chenoweth, Smile de Charlie Chaplin, You Learn to Live Without de la comédie musicale If/then et Brave de Josh Groban. Cette dernière, je l'avais choisie parce que c'était celle que je chantais lorsque nous nous étions rencontré la première fois, Exekiel et moi. Oui, encore lui. Au fond de moi, je savais que sa mort ne me quitterait jamais. Peut-être avec le temps arriverais-je à réellement surmonter tout cela, au lieu de me contenter de l'enfouir au plus profond de moi pour m'obliger à me relever.

*   *   *

Plus totalement la même que lorsque j'avais quitté les coulisses, je descendis de scène mi-fière, mi-nostalgique. A en juger par les applaudissements et par les regards sur les visages, j'avais réussi à les toucher ce soir. J'étais reconnaissante. Ce soir, d'une façon ou d'une autre, pour un bref instant, chacun avait pu se reposer l'esprit, cesser de penser au reste, de se torturer. Je voulais croire que ces chansons avaient, d'une façon ou d'une autre, permis de se remémorer le meilleur. Certaines nous confrontaient à la dure réalité des choses, mais il en fallait bien. J'étais contente, si tant est que ce soit le mot approprié. Ce soir avait été intense, mais tellement... juste.
Mais vous savez ce que l'on dit ; chasser le naturel, il revient au galop. Être capable de respirer deux secondes serait trop demander.
-Mademoiselle Parker ? Gabriel Blackwood, avocat. Je souhaiterais vous parler à propos d’une affaire. Est-ce que vous auriez quelques minutes de votre temps à m’accorder ?
Avocat... me parler... une affaire.
Soyons honnête, cette version était la moins crédible possible, du moins au premier abord. Car à moins qu'un type louche ayant fait l'objet de ma victimisation ait décidé de me coller un procès, je ne voyais aucune raison justifiant qu'un avocat vienne m'entretenir de quoi que ce soit. Nan, à tous les coups c'était un plan foireux. Peut-être un traqueur de Divergent déguisé en Sincère ayant comme directive de me kidnapper pour devenir un des cobayes de Moïra. Ou peut-être était-ce un langage secret, quelqu'un voulait me contacter et avait engager ce type pour me faire comprendre qu'il avait des informations à me transmettre. A vrai dire, milles autres choses m'auraient traversé l'esprit avant de ne serait-ce que considérer l'idée que ce type était un avocat.
Le dossier sur la mort de vos parents a été rouvert. La Police a coincé l’un des responsables du meurtre.
D'accord j'étais convaincue.
Quoi que toujours pas en fait.
Je ne sais pas.
La première chose que je ressentis fut un coup dans l'estomac. Ma mâchoire se serait décrochée si je n'avais pas gardé un masque d'indifférence et de scepticisme. Mort, parents et meurtre dans la même phrase, cela faisait beaucoup à avaler.
Mais d'un autre côté, il n'avait jamais été question de meurtre. Pas à ma connaissance du moins. Et si ça se trouve, ce type n'était ni plus ni moins qu'un petit merdeux ayant retrouvé cette histoire dans les archives des Altruistes et ayant décidé de s'en servir à mon encontre. Ce n'était pas pour rien que je gardais tout ce qui me concernait moi ou ma famille hors de portée du reste de la populace. Donnez leur une arme et ils s'en serviront contre vous.
-Je ne sais pas pourquoi ni comment vous êtes au courant de la mort de mes parents, mais il n'a jamais été question de meurtre. Je vous donne deux secondes pour prendre vos cliques et vos claques et déguerpir ou je vous fais bouffer vos couilles à la petite cuillère. Au passage, quitte à vous déguiser, je laisserais tomber le coup du Sincère avocat. Trop cliché et pas du tout convainquant vu votre dégaine. Ciao.
Certaines personnes prennent un malin plaisir à venir faire du mal impunément, sans raison particulière. Mais ce type venait de se frotter à la mauvaise personne.

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FT. PHOEBE L. PARKER

Il a craché sa présentation avec un professionnalisme qu’il connait dorénavant par cœur, a exposé son cas de manière la plus claire possible mais la jeune femme ne semble pas réagir. Aucune expression ne vient trahir l’expression faciale de son visage qui demeure irrémédiablement stoïque, comme indifférent aux informations qu’il vient de lui communiquer. En temps normal, n’importe qui aurait été perturbé de voir une telle réaction, mais pas Gabriel, à force de côtoyer des clients et des familles, il a eu l’occasion de voir et d’assister à toutes sortes de réaction. Du mélodrame à la plus parfaite des indifférences. Jamais il n’a eu de préjugés envers qui que ce soit par rapport à cela, chacun affronte les nouvelles et l’adversité de ce monde à sa façon, la majeure partie des gens se contentant d’offrir aux autres un vulgaire masque. Celui de leur choix, le tout pour se protéger. C’est humain, même le Sincère en face d’elle dispose d’un masque à l’heure actuelle, ne dévoilant à personne ce qui fait de lui ce qu’il est. Vie privée et professionnelle ne doivent pas être mélangées, ou c’est la fin de l’objectivité. Ne quittant pas la jeune femme des yeux, il ne juge aucunement sa réaction, n’est pas là pour ça mais bel et bien pour avoir une autre version de l’histoire. La seule chose qu’il n’avait pas prévu était qu’elle puisse ne pas le croire. Lui. Un Sincère. Menteur ? C’était tomber bien bas. Encore pire, c’était carrément l’hôpital qui se foutait de la charité. De tous les Sincères existants sur terre, le Blackwood faisait bel et bien partis de ceux horriblement droits qui n’osent déroger à la justice. Alors… Mentir.

Quand les mots assassins s’échappent de la bouche de la brunette à la voix d’or, Gabriel se contente de la regarder d’un air légèrement surpris. En réalité, il écarquille les yeux et hausse les sourcils comme si elle était folle, mais il ne s’en rend pas compte. Les émeraudes rivées sur la silhouette, il ne s’attendait pas à être reçu de la sorte. Nul doute qu’il n’était plus dans son riche quartier. Subitement, il soupire sèchement, ne laisse pas l’occasion à Phoebe de lui tourner le dos et de s’en aller qu’il sort le dossier de l’intérieur de sa veste et le laisse claquer sur le bois du comptoir. Ses sourcils se sont légèrement froncés et il pince les lèvres d’un air un tantinet agacé. Quelle vulgarité de la part d’une femme aussi jeune. Vraiment. L’éducation se perd de nos jours, il en est pleinement convaincu mais garde cette remarque pour lui, laissant juste échapper un…

« Parce que c’est évident que j’allais venir ici en prenant le risque de saloper un costume hors de prix dans la boue. ».

Main dans la poche intérieure de sa veste, il en sort sa carte d’identité professionnelle. Le nom des Blackwood ne passe pourtant pas inaperçu. Entre un des fils membre du Conseil, l’autre avocat, et des parents eux-mêmes proches des métiers de la justice et du gouvernement, il fallait croire qu’ils ne faisaient pas assez de pub encore. Autant se le dire, Gabriel n’est clairement pas du genre à faire de la publicité pour sa famille, bien au contraire, il s’en fiche royalement, mais tout de même. Ca vexe. Un peu. Rien qu’un peu.

« Même les avocats ont le droit de s’habiller de manière un peu plus confortable, de temps à autre, Mademoiselle Parker. »

Il pose la carte sur le comptoir, juste au-dessus du dossier et recommence une nouvelle fois.

« Le dossier concernant vos parents vient d’être rouvert. Je suis venu vous voir pour avoir votre vision des faits. Je suis supposé défendre l’homme accusé du meurtre. »

Pour ce qui est de lui faire bouffer ses couilles à la petite cuillère, le Sincère adorerait lui dire qu’elle n’a pas à s’inquiéter d’une quelconque tentative de drague puisqu’il n’est pas de ce bord-là, mais bien que la sincérité glisse au seuil de ses lèvres, il n’est pas résolu à l’assumer à voix haute ou à le crier sur tous les toits. Alors il se retient et redevient silencieux, doigts plaqués sur le fameux dossier. Hors de question qu’elle y mette les mains si elle n’est nullement intéressée.

« Est-ce que vous auriez du temps à m’accorder pour discuter ? Et non pour me faire bouffer mes couilles à la petite cuillère comme annoncé de façon si charmante. »

Il a eu beau vouloir s’en empêcher, il n’a pas pu résister au fait d’en parler et reprendre ses propres mots. Car c’est la première fois qu’on lui fait le coup. La première fois qu’on ne le croit pas, et au fond, sa fierté en a pris un petit coup, et comme il n’est pas habitué ni du genre à faire dans la dentelle… Le sarcasme est parti tout seul.

Gabriel & Phoebe

« Singing has always been such a source of strength for me, as has music. I’m in a position right now where I can choose to rise or fall, and you don’t really know how strong you are until your only option is to be strong. So if I can take whatever my situation is and hopefully provide someone with a sense of strength or courage, then I know that that’s exactly what my purpose is. » Lea Michele

La raison pour laquelle je ne parlais jamais de moi, de mon passé, de ce que j'avais perdu était la même que celle qui m'avait poussée, il y a longtemps, à éviter de faire dans le relationnel : la race humaine a toujours été et sera toujours ignoble et il est plus facile de faire du mal que de se taire et de s'occuper de sa misérable petite vie. Laisser savoir aux gens comment vous toucher, c'est en revenir à leur donner un couteau en espérant qu'ils ne vous poignarderont pas avec. Alors certes, je m'étais ramollie avec le temps. M'atteindre était facile, la preuve en était avec la mort d'Exekiel, l'enfermement de Keira ou le lavage de cerveau puis l'exposition de Salem à cette maladie incurable, mais javais encore, ou du moins je le croyais, quelques petits secrets bien enfouis dont le Conseil ne pourrait faire usage à mon encontre et dont la populace ne saurait jamais rien.
Et voilà que venait cet homme et me parlait de la mort de mes parents. Cet événement de ma vie dont je ne parlais jamais mais qui avait contribué à faire de moi qui j'étais aujourd'hui, le bon comme le mauvais. Je n'en parlais pas, personne ne m'avait encore attaquée à leur sujet, personne n'était revenu avec ce fusil, prêt à me tirer dessus une seconde fois avec. Personne avant aujourd'hui.
L'affaire était pourtant simple. Nous étions des Altruistes. Il faisait bon nous voir aller nourrir les Sans-Factions comme le voulait la légende concernant les bons cons de cette faction. Au retour nous avions été attaqué par quelques Sans Faction dont je ne connais pas la motivation et que je n'ai jamais retrouvé. Ils ont tué mes parents, j'ai survécu. Et contrairement à ce que l'on m'a sorti ce jour là, la chance que j'ai eus n'a pas été d'y survivre, mais plutôt de ne pas m'être fait violée par ces types. C'est simple. C'est tout. Fin de l'histoire. Basta. Ou du moins à ma connaissance. Et de tous les mensonges du Conseil, je n'aurais jamais pensé que celui ci pourrait en être un, encore moins pour l'avoir vécu et me souvenir comme si c'était hier de ce qu'il s'était passé.
Alors oui. Qu'un type vienne me voir pour me sortir qu'ils ont été assassiné et qu'en plus il défend le coupable... désolée mais j'ai du mal à y croire, et oui je le prend mal. Bizarre non ? Ah non mais attendez... C'est vrai que je m'en suis un peu pris plein la gueule ces derniers temps. C'est pas comme si je venais de participer à un hommage aux morts de l'attentat en ne chantant qu'à la mémoire de mon meilleur ami. C'est pas comme si j'avais passé le point de non retour.
-Parce que c’est évident que j’allais venir ici en prenant le risque de saloper un costume hors de prix dans la boue.
Ce type parlait comme une de ces vermines d'Erudits. J'en avais envie de lui faire avaler ses dents une à une juste pour l'air pédant qu'il prenait. Cela dit, il sortit sa carte, prouvant ses dires. Et une sensation bien connue de ces derniers jours mais toujours aussi difficile à supporter : le coup de poing dans l'estomac. S'il était vraiment Sincère, et avocat, alors il disait la vérité. Les probabilités pour qu'il soit Divergent et se foute de ma gueule était suffisamment basse pour que même en ayant la manie de les défier, j'en sois encore victime aujourd'hui. Et s'il disait la vérité, cela signifiait que mes parents avaient été assassiné. Donc que cela avait été commandité. Une phrase de Nathaniel me revint à l'esprit : « Est-ce réellement l'oeuvre du Conseil? » Là où d'ordinaire tout s'emboîtait à la perfection, ici, j'avais trop peu de données sur ma propre famille pour savoir s'ils constituaient une menace aux yeux du Conseil ou non. Pour la première fois, la seule personne capable de me fournir des explications se trouvait entre les mains d'une pseudo justice qui, cela ne date malheureusement pas de ce système, a toujours été particulièrement foireuse. La seule vraie justice est celle que l'on exerce soi-même, et non celle qu'on laisse les autres appliquer.
-Très bien. Je vous crois, lâchais-je avec aussi peu d'émotion que possible.
-Même les avocats ont le droit de s’habiller de manière un peu plus confortable, de temps à autre, Mademoiselle Parker.
-J'ai dis que je vous croyais, claquais-je aussi sèchement qu'un fouet, plantant un regard dur dans le sien.
Prenant son temps, Blackwood déposa sa carte sur le dossier qu'il avait sortis, en prenant son temps, comme pour m'exaspérer. J'imaginais déjà dans mon esprit cinq façon de lui faire avaler sa main - et sa foutue carte.
-Le dossier concernant vos parents vient d’être rouvert. Je suis venu vous voir pour avoir votre vision des faits. Je suis supposé défendre l’homme accusé du meurtre.
Evidemment. Evidemment qu'il s'occupait de défendre ce salaud. Evidemment qu'il y a toujours une petite sous merde d'avocat pour défendre l'indéfendable. Il foutra en prison quelqu'un qui tue la vermine de ce monde et libérera ceux qui tuent pour le simple plaisir d'assouvir un plaisir malsain. Evidemment que ce petit pète sec n'était pas celui qui devait le condamner, évidemment.
Je ne cillais pas.
Je ne réagissais pas.
Ne croit pas que c'est bon signe.
D'autres avant toi pourraient même te dire que c'est dangereux.
-Est-ce que vous auriez du temps à m’accorder pour discuter ? Et non pour me faire bouffer mes couilles à la petite cuillère comme annoncé de façon si charmante.
Mais c'est qu'il avait en plus le culot de me faire une leçon de morale et d'éthique l'animal ! Nan. Je ne supportais vraiment pas ce mec.
-Il n'y a rien que vous ne puissiez savoir en fouillant les archives locales, Monsieur Blackwood. Quant à vos couilles, leur sort dépend de vous. Leur sort dépend, grosso merdo, de votre capacité à péter moins haut que votre cul et de votre capacité à rester à votre place. A présent si vous voulez bien m'excuser, j'ai quelque chose à régler.
J'ai un de vos clients à tuer. Ne vous inquiétez dont pas pour cette affaire, vous n'en n'aurez plus demain matin. Vous pourrez défendre une autre vermine, j'vous la laisse de bon coeur.
Sur ce, je tournais les talons après avoir prit le dossier, bien décidée à me rendre à la prison la ville. Ces documents contenait tout ce qu'il y avait à savoir sur le meurtrier. Oh, il ne mourrait pas tout de suite. Avant j'allais lui soutirer les informations qu'il me manquait et ensuite j'aviserais de si je lui offrais une morte douce ou la plus pénible qui soit au monde.

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FT. PHOEBE L. PARKER

Il insiste. Parce qu’il ne peut pas la laisser lui glisser entre les doigts de la sorte, purement et simplement. Les réponses se font sans doute un peu trop froides ou sarcastiques mais c’est ainsi qu’il fonctionne, c’est ainsi qu’il répond, presque comme pour imiter la délicatesse avec laquelle elle veut plus que tout autre chose le congédier. Mais l’avocat ne reculera pas, et il sait que malgré tout, la curiosité finira par l’emporter, d’une manière ou d’une autre. Quand bien même Phoebe pense qu’il est là uniquement pour la piéger, cela n’a strictement rien de la vérité, ni ne s’en rapproche tout à fait. Venir ici, la voir pour obtenir une autre version, c’est au fond essayer de se prouver que ce meurtre n’a rien d’anodin, et que le client qu’il défend, d’une certaine manière, mérite très clairement ce qu’il lui arrive. Des êtres véreux il en a eu droit à toute une flopée dernièrement et ce n’est pas l’envie qui manque de hurler après ce gouvernement qui se casse la gueule. Que la jeune femme puisse le voir ou non, Gabriel est épris de justice, et la justice avec un grand J, pas la fausse qu’ils ont parfois tendance à leur servir à tous, et à tout bout de champ. L’audacieuse acquiesce par la parole, accepte enfin de le croire lorsqu’il dit être un Sincère doublé du job d’avocat, mais il insiste. Encore. Réitère sa présentation et le constat du dossier, observe une quelconque réaction qui ne vient pas. Elle ne cille pas, ne bouge pas, et il serait bien idiot de croire qu’il s’agit là d’un signe positif. Il ne juge pas, ne se le permettrait pas de toute manière, c’est ce qu’il a appris avec le temps. Pour le bien de sa santé mentale, le Blackwood se doit de rester détaché, à minima. Il y aurait de quoi perdre la raison à trop faire d’empathie. D’où la froideur évidente. Celle qui se rapproche un peu du caractère d’un érudit, en fin de compte.

La question, le jeune homme la pose une nouvelle fois, ce n’est pas comme s’il avait toute la nuit devant lui, il a besoin de réponse. Pour savoir. Savoir quoi faire. Accepter définitivement de défendre l’accusé, l’empêcher de se retrouver en prison, ou pire. A moins qu’après les éventuelles confessions de l’ancienne fraternelle, il ne s’en rende compte que quoi qu’il advienne des preuves contraires qu’il pourrait trouver, jamais il ne lui évitera la prison. Et jamais ne se tuerait à la tâche pour y parvenir. Lorsqu’une cause est perdue d’avance, même le plus ténu des avocats ne saurait s’acharner. A moins vraiment… D’être persuadé d’être la septième merveille du monde.

Phoebe se dérobe, pour la seconde fois, au grand damne de Gabriel qui roule des yeux et les lève au ciel tandis que la brune s’échappe, son dossier entre les mains. Même pas en rêve. En deux pas, grâce à ses grandes jambes, il rattrape la silhouette féminine, se penche au-dessus d’elle et ses doigts récupèrent la précieuse sous chemise, fermement close.

« Vous ne pensez tout de même pas que je vais vous laisser filer avec le dossier de mon client entre les mains Mademoiselle Parker ? Je n’ai pas pour habitude de rendre service gratuitement. J’ai beau être de bonne foi en venant vous trouver ici, je ne l’ai pas fait pour vous mettre un éventuel meurtre sur les bras. Vos mains ne devraient pas être souillées de sang. »

Il n’a aucune certitude de ce qu’elle souhaite faire, ni même ne devine qu’il s’agit bien là de la véritable idée qu’elle a en tête, mais quelque chose lui dit, au fond de ses tripes, que la jeune femme est bien plus tenace qu’elle ne veut bien en avoir l’air. Preuve en est de la manière avec laquelle elle a si superbement menacé ses attributs masculins. En un clin d’œil, le dossier est glissé à l’intérieur de sa veste et il la fixe de ses émeraudes imperceptibles, quoi qu’un brin amusé soudainement. Elle a de la ressource, c’est quelque chose qu’il ne peut décemment lui retirer.

« La seule manière pour vous d’obtenir de potentiels renseignements est de m’accorder cette conversation. Tout ce que je voudrais, c’est votre version des faits. Savoir ce qu’il s’est passé ce jour-là. ». Pour des raisons qui ne regardent que lui, bien évidemment. Parler de ses doutes vis-à-vis de son propre client à un témoin potentiel de la défense adverse, c’est prendre un risque inconsidéré et irresponsable. « Vous m’avez dit que ce n’était pas un meurtre, qu’est-ce qui vous fait dire ça exactement ? ».

Dossier inaccessible, le Blackwood range sa carte dans son portefeuille qu’il remet également à l’intérieur de sa veste, puis il vient croiser les bras sur son torse.

« Au lieu de rester debout, nous pourrions aller dans ce coin… Là-bas ? ». Il propose et elle dispose. Pendant qu’elle réfléchit, Gabriel adresse un signe au barman. « Deux cafés avec une pointe de crème, s’il vous plait. La table du fond. ».

En définitive, il ne lui laisse pas vraiment le choix. Qui saurait dire non à la bouille d’ange qu’il lui offre ? Une mèche rebelle venant de glisser sur son front. Récupérant le dossier entre ses mains, il le lui remontre avant de se retirer vers cette fameuse table. Viendra, viendra pas. Bien que ça l’agacerait qu’elle ne vienne pas, il ne pourrait pas la forcer davantage à se confier. Mais si tel est le cas, jamais elle n’aura les informations concernant son client. Gabriel sait pertinemment protéger ses données, et il est clairement loin d’être bête.

Gabriel & Phoebe

« Singing has always been such a source of strength for me, as has music. I’m in a position right now where I can choose to rise or fall, and you don’t really know how strong you are until your only option is to be strong. So if I can take whatever my situation is and hopefully provide someone with a sense of strength or courage, then I know that that’s exactly what my purpose is. » Lea Michele

Vous voulez que je vous dise ? J'en ai plus qu'assez. J'en ai assez de perdre le contrôle sur tout. J'en ai assez de voir ma vie partir en miette, j'en ai assez de voir que malgré que je m'échine à jouer selon mes propres règles, on tente encore et toujours de me forcer à me plier à celles des autres. Alors oui. Ce type va payer. Et non. La prison n'est pas suffisant. C'est même très loin d'être le cas. Et s'il faut que j'aille jusqu'à lui planifié son évasion pour mieux pouvoir le choper à sa sortie et jouer joyeusement avez ses intestins comme avec des guirlandes de Noël, et bien qu'il en soit ainsi. Mais cet homme. Mourra.
-Vous ne pensez tout de même pas que je vais vous laisser filer avec le dossier de mon client entre les mains Mademoiselle Parker ? Je n’ai pas pour habitude de rendre service gratuitement. J’ai beau être de bonne foi en venant vous trouver ici, je ne l’ai pas fait pour vous mettre un éventuel meurtre sur les bras. Vos mains ne devraient pas être souillées de sang.
Evidemment. Rien ne pouvait être simple, ne serait-ce qu'une fois dans cette putain de vie. Rien.
R
I
E
N.
Et d'ailleurs, rendre service ? Il est sérieux le morveux en queue de pie ? Il considère qu'il me rend service en venant me ramener à l'époque la plus traumatisante de mon existence et en m'agitant sous le nez le dossier d'un type que j'apprends tout à trac être le meurtrier de mes parents, le tout sans même me laisser un nom ou la possibilité de le tuer ? Il croit qu'il me rend service en le défendant ? Je croyais avoir tout vu, tout entendu et même tout affronté, mais visiblement il restait encore une chose à ajouter à la liste !
Pinçant les lèvres, j'inspirais et expirais. Rester de marbre. Ne rien laisser transparaître. Ne pas lui donner une arme de plus contre moi. Mes mains étaient déjà souillées par le sang, et ce n'était que le début, mais il n'avait nullement à le savoir tant qu'il ne se retrouvait pas entre mes griffes. Cet imbécile serait capable de me foutre en taule et croyez bien que je me serai suicidée avant qu'ils aient le culot d'en refermer les portes. Je ne serai pas mise en cage, je ne serai pas domptée, je ne serai pas le pantin du système.
-Et si vous vous occupiez plutôt du sang sur les mains des membres du Conseil, Mr Blackwood, plutôt de vous préoccuper de ce qu'il y a sur les miennes ? A moins qu'il ne vous tienne à coeur de laisser les véritables criminels errer paisiblement dans les rues de Chicago, si j'en crois vos informations sur celui que vous défendez, il me semble que cela vous correspond davantage, lâchais-je d'une voix bien trop paisible comparé à mes propos.
-La seule manière pour vous d’obtenir de potentiels renseignements est de m’accorder cette conversation. Tout ce que je voudrais, c’est votre version des faits. Savoir ce qu’il s’est passé ce jour-là.
Faisant volte-face, je lui lançais un regard assassin. J'étais presque certaine qu'il pouvait voir à travers mes yeux les images qui se déroulaient dans mon esprit. Lui arracher un bras et le lui enfoncer dans le trou de cul jusqu'à aller lui remuer tripes et boyaux. Simple exemple. Mais je ne répondis pas.
-Vous m’avez dit que ce n’était pas un meurtre, qu’est-ce qui vous fait dire ça exactement ?
Ah bah bien sûr, nous y voilà ! Utiliser mes propos pour innocenter un gars qu'on vient à peine de me présenter comme le TUEUR DE MES PARENTS. Mais poto, si tu veux à ce point l'innocenter ton gars, vas-y, te gêne pas ! Tu veux que je t'y aide ! Aller. Donne moi juste un nom, fait le sortir, et y'a pas de soucis. Tu restes un avocat véreux qui aura à son actif un autre criminel libéré et moi j'aurai ce que je voulais, on est gagnant tous les deux.
-Au lieu de rester debout, nous pourrions aller dans ce coin… Là-bas ? Deux cafés avec une pointe de crème, s’il vous plait. La table du fond.
-Sans crème pour moi, s'il vous plaît. J'ai pas encore prévu de me suicider aujourd'hui, ajoutais-je à l'attention du barman en me dirigeant vers la table indiquée par Blackwood qui, au final, avait décidé de ne pas me laisser le choix. Il avait décidé de jouer une autre tactique. En un quart de seconde, il était passé de petit con à adopte moi, je suis un puppy abandonné en manque d'amour. Autrement dit ? Indigne de confiance. Personne ne passe de l'un à l'autre aussi aisément sans être un menteur de haut vol. Mais maintenant que je suis dans l'arène, voyons qui de nous deux saura mentir le mieux.
Je n'ai aucun doute sur mes compétences. J'ai déjà menti à d'autres Sincères avant lui, l'air aussi innocent que l'enfant qui vient de naître. Game on.
-Écoutez. Quand je vous dis que vous trouverez toutes les informations dont vous aurez besoin dans les archives des journaux de la ville, c'est que c'est le cas. J'ai lu, relus et re-relus cet article des millions de fois. Je le connais par coeur. J'en ai analysé chaque mot, chaque phrase, en essayant de comprendre pourquoi j'étais encore en vie et pas eux. Pourquoi il nous était arrivé ce qui est arrivé ce jour là. Et de toutes les manigances du Conseil, il ne m'est jamais venu à l'esprit de les soupçonner d'être les responsable de leur mort, voilà pourquoi je n'ai jamais songé à un meurtre ! Parce que les attaques des Sans Factions sont réputés fréquentes, parce que c'était là le seul semblant d'explication dans toute cette histoire. Mauvais endroit, mauvais moment. Vous croyez sincèrement que je n'ai pas revécu ce jour là encore et encore dans mon esprit ? Dès que je ferme les yeux, je les revois se faire tuer. Et là encore, j'ai analysé. J'ai essayé de me souvenir des visages, des voix, j'ai essayé de trouver un indice, n'importe quoi. Et je m'en suis voulu pendant des années de ne pas me souvenir du visage de nos agresseurs, que mon cerveau n'ait pas capté un son, un bruit, n'importe quoi que je puisse analyser ensuite. Alors à part me replonger inutilement dans ce pénible souvenir, Mr Blackwood, il n'y a rien que je puisse dire ou faire qui vous aidera dans votre affaire. Les informations que vous cherchez sont aux archives du journal de la ville. Qui ne relateront qu'une vulgaire attaque random comme on en lit souvent. C'est le lot des Altruistes. On les conditionne à être un modèle de partage désintéressé et en retour, ils se font attaquer par ceux qu'ils se doivent d'aller nourrir.
Et PAF. Une pique de plus concernant le système.
Il me fallait juste son nom. Son nom et prier pour que Blackwood réussisse son coup et le déclare non coupable. Je n'aurai qu'à finir le boulot. Dans le pire des cas, ce type ne sera pas responsable de la mort de mes parents, mais obligatoirement coupable de quelque chose. Autrement dit, dans tous les cas, cela fera un parasite de moins sur Terre.

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FT. PHOEBE L. PARKER

Un avocat véreux. C’est là ce qu’elle pense de lui en évoquant le sang sur les mains du Conseil. En évoquant la criminalité de son client actuel. En entendant pareils préjugés, le Sincère ne peut que rouler des yeux et lâcher un profond soupir avant d’essayer de se montrer un peu plus agréable. L’audacieuse n’a pas idée de combien elle se trompe sur son compte, lui qui en réalité a commencé à lutter dans l’ombre contre tout ce système qui s’effondre. Contre le gouvernement en place justement, au détriment même de son propre frère, bien qu’il n’ait encore rien eu à faire directement contre lui. Entendre Phoebe prétendre qu’il est aussi pourri que tout le système, ça l’agace de l’intérieur mais il ne peut se permettre de perdre son sang-froid, et surtout, il ne le fera pas. Il sait demeurer professionnel, et après tout, il est loin de connaître personnellement la jeune femme qui lui fait face et essayait quelques instants plus tôt de partir à la dérobée avec le dossier de son client. Une chose est sûre, l’audace fait bien partie de l’ancienne altruiste et fraternelle. A en juger par le nombre de factions explorées, bon nombre de citoyens seraient prêts à penser qu’il y aurait éventuellement divergence là-dessous. Mais pas Gabriel, il n’a que faire de ce détail, et la divergence en soi n’est pas considéré comme une tare chez lui, il a bien d’autres chats à fouetter que de s’évertuer à faire une pseudo chasse aux sorcières comme la Présidente peut s’amuser à le faire. Décidé à ne pas rétorquer tout de suite à ce sujet, il laisse couler, lui indiquant que la seule solution pour elle d’obtenir un minimum d’informations, est d’accepter de partager une conversation, autour d’un café. Elle le fusille du regard, si ses prunelles crachaient des balles, il en aurait déjà reçu une dans la tête et serait affalé sur le sol. Pour autant, le Blackwood garde ses émeraudes fixées dans les siennes et lui renvoie une image de calme agaçante. Oui, il prend son air subitement hautain et dédaigneux, pour prouver que sa menace muette ne fonctionne pas et ne le fera pas changer d’avis. Il a sa réputation de tête de mule à tenir, et il sait parfaitement s’y tenir.

C’est sans finalement lui laisser le choix qu’il commande deux cafés et désigne la table du fond un peu plus loin afin qu’ils aillent s’asseoir. Non pas qu’il soit handicapé, mais rester debout dans le passage pour parler d’une affaire n’est pas vraiment ce qu’il préfère. La demande de crème en plus ne fait pas mouche car, comme dans une volonté de contredire, encore et toujours, la jeune femme précise au barman qu’elle le prendra sans cette petite touche supplémentaire. Un café noir en somme. Bien. Ne se faisant pas prier, Gabriel file s’asseoir et prend même le temps de déposer sa veste, se mettant à l’aise sans trop savoir pour combien de temps ils en auraient. Le changement de situation que Phoebe prend pour du mensonge n’en est strictement rien, c’est contre son caractère de gosse de riche contre qui il essaye en réalité de lutter, d’où le café offert. Avec une rapidité déconcertante, le barman se dépêche de leur ramener les deux tasses fumantes et le Sincère est loin de se plaindre de la touche de crème. Laissant le liquide refroidir un peu, il n’a même pas le temps de reprendre le fil de ses questions que l’audacieuse se lance dans un monologue. C’est en silence et avec tout son sérieux qu’il l’écoute, allant jusqu’à en oublier la tasse qui se trouve à portée de main, les émeraudes rivées sur elle à l’écouter lui dire qu’il ne trouvera ce qu’il cherche que dans les archives de la ville.

« Ce n’est pas la véracité ou même la responsabilité du Conseil qui est visé ici. Simplement un homme qu’on accuse du meurtre de vos parents. Loin de moi l’envie de vous replonger dans de pénibles souvenirs, mais si je suis là, c’est pour avoir une base de comparaison solide. Et je doute que les faits soient aussi détaillés dans ces extraits de journaux que dans vos propres souvenirs. ». Il boit enfin une gorgée de café et penche la tête sur le côté avant de soupirer. « Je suis loin d’être l’avocat véreux que vous pensez que je suis. C’est le lot de mon boulot. Des innocents, des criminels, ou même encore des victimes. Seule compte la justice et la vérité. Je suis un Sincère avec tout ce que cela signifie dans sa totalité Mademoiselle Parker. Et je suis encore en mesure de refuser l’affaire et la défense de ce client. ». Il ne ment pas, n’a d’ailleurs pas menti une seule fois depuis son arrivée ici et qu’il a ouvert la bouche pour espérer avoir une discussion plus longue. « Je suis navré d’avoir à vous demander ça, mais j’aurais vraiment besoin que vous vous replongiez dans les souvenirs de ce que vous vous rappelez de ce jour-là. Chaque détail compte. ». Lentement, il sort la photo de son client du dossier et vient la positionner devant elle. « Vous l’avez peut-être déjà vu, il se peut simplement que votre mémoire ait effacé certains détails car jugés trop durs. ».

Bien évidemment, c’est au bon vouloir de la brune, il ne peut pas la forcer à parler il n’en a pas le droit ni même l’autorisation. Il ne peut que se contenter de demander une collaboration à l’amiable. Accordée de bonne volonté. Il ne peut pas comprendre ce qu’elle a traversé ou même l’imaginer, lui qui a vécu dans une véritable cage dorée où il n’a jamais manqué de rien. Mais s’il y a bien un point sur le Gabriel ne plaisante pas, c’est bel et bien en ce qui concerne la Justice. Il en a vu des vertes et des pas mûres, des cas du plus simple au plus tordu et malsain. Quasiment plus rien ne l’étonne, et pour une raison qu’il ignore vraiment, il sait déjà au fond de ses tripes que ce type qu’il pourrait s’apprêter à défendre d’arrache-pied n’est en réalité qu’un criminel de bas étage qui a retiré la vie à deux citoyens admirables et qui a laissé une gamine orpheline dans son sillage. Une gamine devenue une jeune femme au caractère fort et qui ne se laisse pas marcher sur les pieds, tout autant admirable que ces deux parents dont elle ne garde plus que des souvenirs, avec parmi eux, certains qui lui transpercent probablement encore la poitrine. Il n’aime pas avoir à faire ça, ou même avoir à lui demander de se replonger là-dedans, mais il a besoin de savoir. Il a besoin de savoir si, encore une fois, dans cette affaire parmi tant d’autre, il devra supporter le poids d’avoir à défendre une personne qui ne méritera pas son acharnement. S’il devra encore jouer le jeu de l’indifférence et de la froideur pour ne discerner que la vérité et seulement la défendre, elle. Gabriel a besoin de savoir.

« Cela pourrait tout changer, Phoebe. »

Gabriel & Phoebe

« Singing has always been such a source of strength for me, as has music. I’m in a position right now where I can choose to rise or fall, and you don’t really know how strong you are until your only option is to be strong. So if I can take whatever my situation is and hopefully provide someone with a sense of strength or courage, then I know that that’s exactly what my purpose is. » Lea Michele

La mort de mes parents avait été déclencheur de beaucoup de choses dans ma vie. Je ne m'en suis jamais véritablement remise. J'ai eu envie... rectification. J'ai tenté de me suicider. J'ai repoussé quiconque essayait de s'approcher de moi. J'ai horreur de penser ce qui va suivre, mais cette épreuve a eut du bon pour moi malgré tout. Elle a forcé la femme que je suis aujourd'hui. Elle m'a permis d'ouvrir les yeux sur le monde et les gens qui m'entouraient. Elle m'a apprit à me montrer vigilante, peut-être trop, mais suffisamment pour survivre. Et en même temps... je ne souhaite pas survivre. Je refuse juste de mourir pour les mauvaises raisons.
-Ce n’est pas la véracité ou même la responsabilité du Conseil qui est visé ici. Ouais, enfin... parle pour toi, coco. Le taux de mensonge et d'implication du Conseil sont toujours les premières choses à questionner pour moi, à vérifier, à analyser. Tout tourne autour du gouvernement. Des choses qu'ils cachent, des choses qu'ils ne veulent pas voir dévoilé. Evidemment que la véracité du Conseil est visée. Personne dans ce système ne tuait au hasard. Les Divergents tuaient pour se protéger, la Résistance tuait pour la liberté, les Sans Factions tuaient pour le confort, le reste du monde tuait pour le Conseil. Avec des années, des siècles même, à modifier le code génétique de la population et à leur injecter sérum sur sérum, personne ne tuait sans raison. Ou du moins, les vrais psychopathes étaient tellement peu nombreux qu'on ne les prend même pas en compte. Simplement un homme qu’on accuse du meurtre de vos parents. Loin de moi l’envie de vous replonger dans de pénibles souvenirs, mais si je suis là, c’est pour avoir une base de comparaison solide. Et je doute que les faits soient aussi détaillés dans ces extraits de journaux que dans vos propres souvenirs.
Mon regard se plongea dans les profondeurs de ma tasse de café noir, comme pour y dissimuler ce que je ne voulais surtout pas laisser transparaître. Je ne voulais pas revivre cela. Je ne voulais pas retourner dans mes souvenirs. Ils me hantaient déjà suffisamment. Et sauf preuve du contraire, je connais l'histoire mieux que lui. Si je lui dis que tout est dans les journaux, bordel de merde, c'est que tout y est !
-Je suis loin d’être l’avocat véreux que vous pensez que je suis. C’est le lot de mon boulot. Des innocents, des criminels, ou même encore des victimes. Le lot de son boulot ? C'est pourtant eux qui choisissent d'accepter une affaire ou non. Il pouvait tout simplement la refuser. Seule compte la justice et la vérité. Je suis un Sincère avec tout ce que cela signifie dans sa totalité Mademoiselle Parker. Et je suis encore en mesure de refuser l’affaire et la défense de ce client.
Oh mais non ! Vas-y, défend-le ! Libère le ! Je compte bien m'en charger !
-Je suis navré d’avoir à vous demander ça, mais j’aurais vraiment besoin que vous vous replongiez dans les souvenirs de ce que vous vous rappelez de ce jour-là. Chaque détail compte.
Et enfin, ENFIN, une photo. Ce n'était pas un nom, mais si je parvenais à m'en souvenir correctement, je pourrais trouver quelqu'un pour me le dessiner, grosso merdo. Et partant de là, je pourrais écumer la ville à sa recherche.
-Vous l’avez peut-être déjà vu, il se peut simplement que votre mémoire ait effacé certains détails car jugés trop durs. Cela pourrait tout changer, Phoebe.
Les yeux rivés sur la photo, je me concentrais sur les moindres détails. A première vue, ce type ne me disait rien. La seule façon pour moi d'en être sûre, c'était de me replonger dans ces souvenirs. Avalant mon café d'une seule traite, façon comme une autre de se donner du courage, je replongeais mon regard dans le cliché. Mais ce n'était plus les traits du visage de cet homme que je voyais.
-On revenait de chez les Sans Factions. On avait... suivit une rue pavée, parce qu'elle me faisait penser à la route de brique jaune et que, peut-être, au bout de la rue, nous nous serions retrouvés à la Cité d’Émeraude et non dans les quartiers grisonnant des Altruistes.
Peut-être, si je n'avais pas insisté ce jour là, si nous avions pris un autre chemin, peut-être seraient-ils toujours en vie.
-Je n'ai pas compris ce qu'il s'est passé. D'un seul coup, une bande de Sans Factions ont débarqués de nulle part et s'en sont prit à nous. Du moins ils étaient habillés comme les Sans Factions et en avaient l'odeur. L'instant d'après, j'étais à moitié sonnée, balancée contre un mur. Ma mère hurlait, et...
Je ne pouvais pas aller plus loin. Mon regard refit surface et je regardais à nouveau le visage du meurtrier présumé. Je ne sais pas s'il était là. Je n'en suis pas certaine. Mais mes tripes, elles, ont l'air de se souvenir de lui. Brusquement, je me relevais, bousculant la table au passage. Le regard dur, le masque de protection remit bien que jamais totalement partis, je lançais, glaciale.
-Relâchez le. Ce n'est pas votre type.
Et à nouveau, je m'éloignais.

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FT. PHOEBE L. PARKER

Elle a cette hargne mêlée à cette souffrance indescriptible dans le regard qui ne peut empêcher le Sincère de s’interroger et de se sentir un peu concerné. Ce n’est pas comme une véritable envie, besoin, de protéger. Non, Gabriel sait pertinemment où s’arrête sa place et jusqu’à quel point il peut aller au sein de son domaine professionnel. Là où la limite des ressentis personnels intervient. Il ne peut pas se permettre une telle chose, compatir, il peut, selon le cas, mais faire un transfert, ça il ne peut s’en laisser le droit. L’empathie dans toutes ses formes n’est pas bon pour un avocat, ça mène toujours au désastre et c’est pourquoi le Blackwood se doit de rester objectif, quand toutes ses questions percent irrémédiablement les barrières que la jeune femme s’est érigée avec le poids des années. Comment le jeune homme fait-il pour encore être capable de se regarder dans une glace lorsqu’un client véreux est relâché dans le nature ? Lui-même ne le sait pas vraiment. Sans doute que lui aussi il a appris à ériger une barrière entre lui et les affaires dont il s’occupe. Ce ne sont que des clients, ils doivent rester comme tel, même si dernièrement il a tout fait pour que des corrompus atterrissent purement et simplement par la case prison, déjouant certaines règles pour que le respect de la Justice prévale sur le reste. Pour que la Vérité, et rien que la vérité triomphe comme elle est supposée le faire, et comme il s’appliquera encore à ce qu’elle le soit dans le cadre du procès de cet homme, si jamais les informations de Phoebe se révèlent être un déclic. S’il perçoit qu’il y a anguille sous roche, un vrai traquenard qui s’est déjoué sous ses yeux. Si l’accident hurlé à voix haute en demeure bien un, ou si cela n’était qu’un meurtre prémédité pour il ne sait quelle raison encore. Mais il y met les barrières, Gabriel. Il y met les murs. Et c’est pour ça qu’il parait froid, détestable et peu agréable, imbu de lui-même. Probablement qu’il l’est, un peu, têtu, vraie tête de mule qui ne lâche pas, acharné au possible. A défendre la justice.

Assis à la table désignée un peu plus tôt, le Sincère accepte enfin de dévoiler une photo et la glisse vers elle, conscient que les souvenirs vont être douloureux, conscient qu’elle veut partir au plus vite à présent. D’une traite, le café est avalé et l’avocat demeure silencieux, prêt à prendre des notes au cas où, si besoin est. Si les informations en justifient la tâche. Il griffonne, sur son calepin, quelques mots, juste de quoi se remémorer plus tard des choses entendues, mais Phoebe reste vague, les souvenirs d’une enfant sont plus flous. S’il se surprend à froncer légèrement les sourcils quand elle évoque une route de brique jaune, il n’en demeure pas moins attentif, mais alors que les choses deviennent plus compliquées, plus privées aussi, elle se dérobe. Une nouvelle fois, récupérant son masque de froid polaire.

« Vous avez entendu des mots ? Un échange peut-être entre vos parents et eux ? »

Ils ont bien dû avoir quelques paroles. Elle s’éloigne mais Gabriel termine son café, récupère à la hâte ses affaires et la suit jusqu’au dehors, à l’entrée même du Harvest.

« Le relâcher, pour quoi faire Phoebe ? Il est présumé coupable. Il devra répondre à son procès, peu importe ce que vous voulez ou non. Ce n’est pas moi non plus qui décide. ». Il lâche un soupir mais les traits de son visage ne sont plus aussi crispés qu’au début. « S’il y a un détail dont vous vous souvenez qui vous perturbe, vous saurez où me trouver. Mon cabinet est dans l’une des tours du Business Insider. Je ne suis pas venu vous trouver dans l’unique but de trouver une excuse pour l’innocenter, juste pour avoir un bout de vérité. ». Il penche la tête sur le côté avant de la laisser partir. Il pense que c’est elle qui la détient, la vérité, et non pas son client. Pour une raison qu’il ignore. Pour un pressentiment qu’il a. Elle n’est pas une mauvaise personne, dans tous les cas, Phoebe est la victime, pas l’autre. « Promettez-moi de ne rien faire de stupide, Phoebe. ». Il l’observe filer. « Je le saurai s’il arrive quoi que ce soit. »

Oui, il saurait, et rien qu’il ne puisse dire ou faire ne changerait la destinée de la brune. Et à cet instant, tout ce qu’il ne veut pas, c’est qu’elle en vienne à se retrouver en prison et prenne le blâme pour quelqu’un qui aurait dû le prendre à sa place

A SUIVRE
Sujet terminé