somewhere a clock is ticking

feat. Hazel & Moira

suite de : FULL METAL JACKET.

De sa tonalité assourdissante qui lui fait grincer les dents, le lourd portail de fer glisse et lui ouvre le passage. Ses talons-hauts martèlent froidement le bitume, l’écho de sa lente progression se répercutant contre les murs en béton de l’étroit et sombre couloir. Ils lui avaient proposé une protection rapprochée, ce que la présidente a poliment refusé, ne trouvant plus nécessaire de veiller sur ce qui de jour en jour se nécrose et se meurt. Pas tout à fait remise des désastreux événements passés, c’est d’une allure misérable de reine déchue de son trône qu’elle se risque à déambuler dans l’arrondissement le plus étiqueté comme étant le plus chaud de sa ville mortifère. Ses opalines fatiguées se posent sur les deux policiers qui surveillent l’aile de l’incarcération maximum, jugé pour des prisonniers imprévisibles et dangereux. Des cellules solitaires, froides et sans aucune nuance de vie. Hazel. Jamais elle n’aurait douté qu’un être aussi asservi ne puisse se retrouver dans ce trou. Coup de théâtre prodigieux qui ne fait que lui confirmer que son système doit définitivement être changé.

L’un des gardiens la salue sobrement, pour ensuite l’escorter vers la chambre convoitée, qui se rapproche ironiquement d’une chambre capitonné dans les hôpitaux psychiatriques. Respectant la distance ordonné par l’agent de la paix, l’impératrice des damnés s’immobilise devant la porte de la cellule, patientant que le garde extirpe le judas de la petite fenêtre, chose qu’il s’empresse de faire en un grincement métallique qui ne manque pas de lui égratigner la colonne vertébrale. Elle voie la silhouette recluse et misérable, dans les confins de l’obscurité. Cette image la fait déglutir de travers, mais elle ne montre absolument rien de son malaise.

- Bonsoir, mademoiselle Stevenson.

Voix posée et sobre. Elle n’est pas là pour des représailles. Elle est là pour comprendre le comportement de la dirigeante de la faction des Altruistes.

- Comment se passe votre incarcération ?

Question simple, avec ce qui s’est produit, elle veut s’assurer que le personnel n’abusent pas de leur pouvoir et traitent ses prisonniers avec respect.

Somewhere a clock is ticking

Hazel & Moira

It will be a new world, it will be a new age. ✻✻✻ Ils t'ont emmené. Extirpée de force de cette estrade dont tu t'étais faite la reine usurpatrice, silhouette immaculée parmi la plèbe enflammée et l'odeur ferreuse du sang coulant à tes pieds, des mains se sont refermées sur tes bras, t'ont poussé vers cet ailleurs où nul ne pouvait plus t'écouter. Qu'espérais-tu au juste ? Qu'attendais-tu de tes confrères, aussi enchaînés que toi ? Et surtout, à quel moment as-tu basculé ? Quand la justice morale t'a-t-elle paru assoir sa priorité inaliénable sur la vie d'un autre être humain ? Est-ce ce monde qui t'a transformé ou t'es-tu laissée dépasser par l'apocalypse de votre belle Chicago ?

Images éparses et lointaines des menaces d'Envy, de la vie s'échappant des corps à terre de Blake et de Scarlett, des grondements ourdissant ton discours rebelle ... Ces souvenirs n'en sont pas vraiment, davantage des flash comme venus d'une très ancienne existence. Pour empêcher la culpabilité de trop s'installer. De te ronger. La peur, de t'étourdir et de te perdre à tout jamais. Eviter les questionnements, préserver ton esprit violenté. Tu fermes les yeux et inspires dans la chambre capitonnée.

Tes paupières clignent alors que la porte s'ouvre. Les talons cliquètent dans le couloir avant de s'étouffer sur le sol spongieux. Tu ne regardes pas, le menton obstinément tourné vers les barreaux de ta fenêtre. Une couverture en laine recouvre tes jambes, dissimulant les tremblements de tes membres gelés. De froid ou d'appréhension, tu ne saurais le dire. Ta crinière n'est que noeud et nids de mèches folles.

" Mademoiselle Rosenbach. " répliques-tu d'une voix sourde, rendue terne et gauche à force de mutisme. Sa question t'étonne, t'oblige à observer la silhouette digne aux traits tirés que tu ne lui reconnais pas. D'autres que toi auraient pu rire, s'enflammer, pensant que l'interrogation ne serait que polie. Néanmoins, à toi, elle te paraît pour ce qu'elle est. Un souci réel. Tu penches la tête sur le côté, tes lèvres gercées se plissant en une légère moue contrite. " Mieux que je ne l'aurais cru lorsque vous m'avez faite amener. " En effet, tu n'as pas été maltraitée ou abusée. Les gardiens se présentent plutôt irréprochables à ton encontre. Tu redresses les épaules, happant ses prunelles hantées dans les tiennes. " Quelle est la suite, Mademoiselle Rosenbach ? Qu'attendez-vous ? Que voulez-vous ? " Ce ton toujours si doux, si posé. Au moins, en ça, tu n'as pas changé. Simple échange, exempt de toute agressivité. Cependant, contrairement à votre dernière conversation à la Tour Willis après le désastre du Chasing the Rapture, une chose est claire : elle ne t'effraie plus. Deux souveraines bientôt déchues.
✻✻✻

CODES © LITTLE WOLF.

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feat. Hazel & Moira

Dans sa vie, dans sa trop longue vie parsemée de mensonges, il y a parfois des êtres sortis de nulle part qui marquent à jamais son existence. Hazel fait partie de ces gens. Ils sont rare, très rare. Le destin l’a placé sur son chemin, comme par miracle, au cœur de ses si lourds fardeaux, rendant ses jours de perditions moins hideux. Elle ne la voulait pas ici. Elle ne voulait pas la voir ainsi. L’état de la dirigeante des Altruistes l’attriste et l’afflige. Elle est sa plus grande désolation. Elle en vient à se demander, au fond, qui est véritablement la prisonnière ? Elle qui se voit greffé à cette toile que Stevenson a tissé tout autour d’elle, s’imprégnant de son essence et rendant cet entretien presque amical… ironique… franchement ironique, aux vus des circonstances.

- Je suis rassurée de savoir que vous êtes traitée au mieux.

Un voile d’eau saline vitrifie son regard, magnétisée par le lustre déplorable de sa prisonnière, elle se rapproche de la porte de la cellule, assassine du regard le gardien qui s’apprêtait à l’en empêcher.

- La décente. L’absolution. À vous de choisir. C’est bien ce qui vous attend, mademoiselle Stevenson. Vous vous savez déchue de votre grade de Dirigeante. Purger votre peine dans la société, il vous en est possible. Vous gagnerez votre faction, libération conditionnelle, sous surveillance dans la collectivité et entamerez des semaines de travaux communautaires.

Elle place ses mirettes au niveau de la petite lucarne.

- Je suis sincèrement désolée pour vous… et votre famille. Je connais les raisons qui vous ont emmenées jusqu’ici. Si seulement les choses s’étaient déroulée autrement…

Somewhere a clock is ticking

Hazel & Moira

It will be a new world, it will be a new age. ✻✻✻ Ton regard a déjà dérivé vers la morne lueur générée par la petite fenêtre. Les lèvres de la Présidente bougent, déversent un torrent de propositions et de paroles qu'elle pense bienveillante. Quand bien même tu le souhaiterais, tu ne crois pas en une quelconque malhonnêteté de sa part. Et quand bien même tu n'en fais pas mine, tout ton langage corporel en criant le contraire, tu l'écoutes. Tu l'entends parfaitement. Il est mauvais de se fier à une chevelure en désordre et à une pauvre silhouette cachée sous une vieille couverture. Les apparences sont trompeuses. Tu sembles mais n'es pas perdue dans une folie quelconque, dans la torpeur de ton incarcération. A l'inverse, tu t'es rarement sentie aussi lucide de toute ton existence.

" Comment se porte votre nièce ? " lâches-tu soudain, après qu'un silence assourdissant se soit abattu sur la cellule. Toujours cette oeillade vague, laquelle se fait acérée alors que tu en reviens à ton interlocutrice. " Comment va Scarlett, Mademoiselle Rosenbach ? " La question est-elle réelle ou rhétorique ? Quoi qu'il en soit, te voilà qui continue sur ta lancée, toujours sur ce ton doux, paisible, d'une patience aux allures d'infini. " Vous souffrez, je peux le sentir. J'ai toujours pu sentir la douleur des autres. Mais vous le savez, Moira, puisque vous savez absolument tout ce qu'il y a à savoir me concernant. Vous savez que ma mère a disparu un jour comme un autre, dans une petite maison de North Side comme un autre. Vous savez que mon père, un mineur comme un autre, a eu un terrible accident qui lui a coûté l'usage de ses jambes. Comme cela est arrivé à d'autres. Vous savez quel enfer il vit, nous vivons, depuis. Vous ne pouvez ignorer l'existence que je mène. Ce garçon mort sous mon scalpel. Le Sincère que j'ai fréquenté quelques temps avant que nos chemins ne se séparent. Qui a voté pour mon élévation au statut de Dirigeante et pourquoi. Ce que je représente pour mes amis Altruistes. Le rôle que j'ai joué lors de la rébellion du Chasing the Rapture et durant l'attentat d'il y a quelques jours seulement. Oui, vous savez tout ça. Sauf qu'aujourd'hui, il ne s'agit pas seulement de faits consignés dans vos rapports, de lettres impersonnels mis en mots balancés sur vos écrans. Aujourd'hui, vous expérimentez la douleur du plus profond de votre âme car vous voyez votre monde durement bâti grincer sur ses fondations. Vous avez mal Moira. Vous avez mal et vous avez peur. " Présomptions ou simples évidences ? Et qu'importait, au fond ? Tu ne juges, ni ne blâme, ni ne te moque. Tu constates. T'exprimes. Libre malgré l'entrave de ces quatre murs capitonnés. " Moi aussi, je suis désolée pour vous. Néanmoins, vous comme moi savons que cela n'aurait pu se dérouler d'une autre manière. " Ta voix, désormais brisée, reflète ta propre défaite. Tu déglutis avec peine alors que tes yeux s'embuent. " Je souhaiterais simplement rentrer chez moi, si vous le voulez bien. " Tu ne seras plus leader mais tu seras l'Altruiste que tu as juré d'être quand ton sang à coulé sur les galets gris. L'once de rébellion semble avoir été étouffée par les cendres de ta propre culpabilité.

Semble ? Est-il possible que les apparences soient à ce point trompeuses ?
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CODES © LITTLE WOLF.

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feat. Hazel & Moira

La question de l’ancienne dirigeante de la faction des Altruistes lui rentre dedans de plein fouet, elle est telle une jetée de sel sur une plaie encore vive et profonde. Scralett. Son propre sang. San propre chair.

- Vous savez déjà comment se porte ma nièce, mademoiselle Stevenson. Elle a survécu et maintenant toutes mes forces et intérêts sont là pour la préserver.

Trop de sang a coulé C’est une litanie qui se balade sans cesse en son esprit, martelant les portes de sa conscience d’une dystonie abrutissant qui ne fait qu’émousser son cœur dans le sépulcral bassin de l’angoisse, mais l’érudite n’en montre absolument rien. Cette rencontre n’est pas d’office à lancer la première pierre, mais bien pour comprendre et agir avec les conséquences de leurs actes.

Deux reines déchues de leurs trônes. Voilà tout ce qu’elles sont, à présent. Elle écoute, impassible, fragile, incroyablement fragile, le récit de celle qui s’est condamnée, en éprouve qu’un cruel contact avec la réalité. Moira Rosenbach… la redoutable femme d’affaire qui semble en avoir que faire de sa nation. Oui, elle souffre. Depuis des années, elle en souffre de ce poste, comme n’importe qui d’autre en le caveau de ce bas-monde. Harassée, elle est harassée de jouer et prétendre.

Doucement, elle s’écarte du judas, de la porte, intimant au gardien de l’ouvrir et d’également donner l’autorisation à mademoiselle Stevenson de regagner le confort de son logis. Docile, le gardien s’exécute, met les mesures de contention à la jeune femme et l’escorte en dehors de sa cellule. Moira, elle, elle a déjà entamé son chemin de croix, mais s’arrête un instant pour dire, sans se soucier qu’Hazel ne l’écoute ou non.

- Il y a parfois des choses si laides, en ce monde, mademoiselle Stevenson, que nous préférons fermer les yeux et les taire. Je sais tout… absolument tout de vous… ce que je sais aussi… c’est que votre mère serait à la fois fière et triste pour vous.

Elle se retourne et contemple l’ancienne dirigeante dans le blanc des yeux.

- Demandez à votre paternel, ce qu’il a fait du corps de votre mère. Comme je vous le disais ; il y a parfois des choses si laides, en ce monde, mademoiselle Stevenson, que nous préférons fermer les yeux et les taire. Le Mal, il est parfois juste sous nos yeux, mais nous préférons prétendre et ne rien voir. Maintenant vous voyez… alors regardez attentivement…

Sur quoi, sur cette énigme, Moira pousse la porte des geôles et quitte ce lieu si sombre…


Hazel est maître de son destin.