MY SPIRIT GETS SO DOWNHEARTED SOMETIMES
Un certain
HUIT FÉVRIER 2095, je suis arrivé ici-bas, dans ce bled pourri que l’on reconnait comme étant les contrées des
Audacieux. Que cela soit calculé en printemps, en bougies, en années, je peux vous certifier que j’ai
trente balais. Puisqu’on ne choisit pas sa famille, je viens d’une classe sociale
moyenne. Issu et déchu de cette trempe, c’est ce qui m’a doucement ouvert les yeux sur le futur qui m’attendait sournoisement et qui m’a tranquillement aspiré à devenir
bras-droit des audacieux et agent de la paix pour le CHICAGO POLICE DEPARTMENT que vous connaissez aujourd’hui. Tristement (ou heureusement) pour vous, je suis
en couple et dans la même veine
Hétérosexuel. Pardon, vous dites ? Me décrire en quelques mots ? Bon, d'accord :
Le tutu me va bien et je suis un excellent danseur de tango... sous la douche. De ce fait, il faut dire que je suis assez
indifférent avec notre si belle société qui se retrouve morcelée en cinq factions et qui par conséquent
n'a pas conduit le monde où il est aujourd'hui. Si nous sommes dans la mouise, c'est bien grâce à nous même !. Outre tout ça, d’un aspect purement superficiel, trop souvent, vous avez cette fâcheuse manie de me confondre avec
Chris ¨Pratt. Mais ne faut-il jamais se fier à la couverture d'un livre ?
Chicago semble se faire un profil bien détaillé sur votre fils, monsieur Dashawn. Que pensez-vous des ragots qui peuvent circuler à son sujet, dans les rues ? Déjà, il faut que je sache de laquelle de mes trois raclures que vous me parlez. Les deux premiers qui se sont fait coffrer à cause de mon dernier, ou de mon dernier qui a coffré les deux premiers ? Raclement de gorge.
Je parle, bien sûr, de Ruben Dashawn. Ah, celui-là. Vous voulez que je vous dise un truc, à son sujet ? Ruben, c’est exactement le genre de mec que je ne peux pas blairer. C’est un petit profiteur qui a non seulement craché sur sa propre famille, mais qui n’a pas hésité à foutre au trou ses deux frères aînés. J’ai pas des enfants de chœurs, je le reconnais, n’empêche que j’ai de la difficulté à excuser la déloyauté de mon p’tit dernier. Faire vivre un tel cauchemar à son père, il faut avoir une araignée dans le plafond !Vous lui en voulez, pour ce qu’il a fait ?Il me jure que s’était pour protéger la ville et ne pas ternir l’arrondissement des Audacieux. Moi je pense que se sont que des conneries. Des mensonges. J’suis un homme de notoriété, vous savez ? Ex militaire, qui a sauvé le monde et qui souffre encore Des Jours Sombres. J’avais une réputation, et ce petit bouseux profiteur me l’a enlevé. Moi qui a tout fait pour le ramener dans le droit chemin. Il jette dans la fosse aux lions ses deux frères. Si Ruben est là où il est aujourd’hui, c’est pas grâce à ses compétences, mais bien grâce à ses deux frères. Oui, Colm et William Dashwan. Ils jouent des rôles affluant au sein du gangstérisme. Ruben était un candidat potentiel, n’est-ce pas ?Ouais. À mon plus grand dam. J’voulais pas qu’il finisse là, mais je voulais pas que l’histoire de ma famille se termine comme ça non plus. Il y a toujours eu quelque chose qui ne tourne par rond, chez ce gamin. Peut-être que je l’ai bercé trop près du mur, quand il était môme. Peut-être que j’ai été trop dur avec lui. Jeunot, c’est le genre fouille merde qui s’attire les problèmes et les résolves en cassant la gueule à qui peut bien en posséder une. Il se battait tout le temps, encore aujourd’hui, cette période de grosse brute ne le quitte pas. Vous êtes cette mamie qui appelle pour alerter que son vieux matou est coincé dans un arbre ? Ce n’est pas Ruben qu’il faut envoyer pour cette mission. Il ne se la joue pas dans la dentelle. Mais ça je crois que tout le monde le sait. Il est écrit ici que votre fils, à l’âge de 17 ans, a fait une overdose et que c’est presque par miracle qu’il soit encore en vie. Ah, ouais. C’histoire. Dans son délirium de petit junkie qui veut aller sur le chemin de la rédemption, il m’a juré que c’est un ange qui lui a sauvé la vie. Il m’a dit aussi que c’est grâce à cette expérience dans l’au-delà qu’il a enfin comprit la vie, pour littéralement retirer sa veste, et retrouver son blason d’or. À l’époque, je croyais à son histoire et j’ai joué avec mes relations pour lui donner une seconde chance. Si je savais le coup foireux qu’il préparait ! Ruben est reconnu pour ses excès de rage. Des rumeurs courent comme quoi il est un participant plutôt régulier aux combats clandestins qui ont lieu au sous-sol du Hive. Vous en pensez quoi ?J’en serai même pas étonné. Ruben, c’est une machine de guerre. Il y a cette rage de vivre et cette noirceur que j’ai jamais réussis à comprendre. Il a toujours été comme ça. Mais il n’est pas mauvais. C’est un bon garçon. Mais il peut parfois se comporter comme un véritable trou du cul. Il n’est plus ce qu’il était. Mais les gens ne changent pas, m’sieur. Ils trouvent simplement le meilleur moyen pour se mentir à eux-mêmes. Avec les attentats qui bouleversent la ville et le Conseil, croyez-vous que votre fils sera l’un de ceux qui réussira à nous protéger et sauver ? Absolument pas ! FANGIRL : Tu te trompes !
Que gueule une voix hors scène qui n’a juste aucun rapport.
FANGIRL : Ruben, c’est un vrai ! Et il le prouvera à nouveau. Chicago est entre de très bonnes mains. J’ai foi en ce brave petit.
Monsieur Dashawn lève les yeux aux ciels, exaspéré, tandis que la voix étrangère prend forme dans l’ombre et qu’une vieille femme claudicante s’approche.
FANGIRL : Écoutez-moi bien, monsieur le journaliste.
Dallas.FANGIRL : Hin ?
Je suis Ramsey Dallas… FANGIRL : Peu importe. Je connais Ruben depuis les couches. Son statut de bras-droit, il l’a mérité et c’est un excellent flic ! Souvenez-vous bien de ce que je vous dis là, monsieur Dallas : Ruben… il va tous nous sauver !
Tous nous tuer… ouais !Sacrebleu, je crois que j’ai assez de matériel pour l’ébauche de mon article, mes bons. Merci beaucoup pour votre temps, monsieur… madame. AS I WALK ON THROUGH THIS WICKED WORLD
We're only young and naive still
- DOWNTOWN, CHICAGO, VERS L'AN 2110 -Holy shit ! Une issue et vite ! Je vous en prie ! N’importe quoi ! J’serais même prêts à foncer la tête la première dans le cul sacralisé d’un ange, s’il le fallait, mais je vous en prie ; débarrassez-moi de ce big ass problem ! J’veux pas mourir, pas comme ça ! Putain, je ne veux pas mourir ! Dans tout ce foutoir, je ne sais même plus où me jeter et où aller. Ce labyrinthe sépulcral, aux voies étroites, à l’horizon bourbeuse, sinueuse, il me guide vers ce nulle part d’à peu près précis, que je sais reconnaître qu’avec grande peine. Je cours. Je cours. Je cours. Je saute et enjambe les obstacles de justesse, à la dernière minute près, mais la menace me talonne comme mon ombre. Les semelles caoutchouteuses de mes vieux Converses mordent, agrippent hargneusement le parterre de gravelle, me propulsant aussi loin que permis vers ce vaste aveugle qui se déploie devant moi. Le bruit de mes pas de courses rebondit en écho contre les parois cendrées de ces gorges cimentées qui me paraissent tellement toutes identiques. Je cours. Je cours. Encore et toujours. Je slalome les voies restreintes qui me séquestrent comme un rat et semblent ainsi sournoisement me guider vers une mort que je refuse de me dire certaine. Je cours si vite, si loin, que j’arrive presque à me botter l’cul avec le flanc de mes talons. Que trop tard, j’aperçois le virage un tantinet trop p'tit, que trop tard, je me rends compte qu’il y a un mur d’édifié là, que trop tard, je me dis que je devrais freiner net et que trop tard je le fais. PAF ! dans ma face de p’tit con, à pleine gueule, à la grosse pelle, j’embrasse ce foutu mur qui… merde… qu’est-ce ça fout là ? Éberlué, KO, 36 chandelles tournent autour de ma tête aux idées plus très claires alors que j’entends les pas feutrés de mon ennemi furtif qui se rapproche dangereusement de moi. J’voudrais me secouer les neurones pour retrouver mes esprits, j’voudrais voir plus clair au cœur de cette noirceur, j’voudrais reprendre ma course folle où elle a été interrompue… Bref… je voudrais bien des choses, trop de choses en si peu de temps…
Le temps, mon plus pire ennemi ! Et parlant d’ennemi, voilà que mon big ass problem réussi ENFIN à conquérir et rafler mon niveau. Moi, le nez pété toujours joliment aplati contre la paroi de ciment, je ne réagis point, laissant les grosses mains de géant violemment s’abattre sur mes frêles omoplates et sentir ces mêmes grosses mains dégueulasses agripper ma veste en cuir d’une poignée que je constate très ferme et généreuse. Des grommellements rauques, gutturaux, indéchiffrables, giclent dans mes oreilles, sentant l’haleine nauséabonde de mon présumé interlocuteur venir coquettement chatouiller le lobe de mon oreille gauche. Merde… je ne veux pas mourir…. Pas comme ça…
-
BALTHAZAAAAR !!!!!!!!!!! que je hurle avec fureur dans le noir, à m’en vomir les poumons ; élan tellement désespéré et tellement con ! Pas le temps d’agir, pas le temps de dire plus, comme si je ne pesais pas moins d’un seul kilo à peine, le titan Audacieux resserre que davantage son emprise sur ma veste, me sentant tiré et propulsé sans aucun ménagement sur l’arrière…
BAAAaaAAALTHAZAAaaaaAAAAAaaaaAAR !!!Avec la hardiesse et la vitesse de celui qui pratique régulièrement le geste, Titan-Audacieux me happe violemment la nuque et la ganse de mon jeans… Au début, je ne comprends pas trop à quoi est-ce que tout cela peut bien rimer… mais les secondes s’évasant… je finis par saisir et franchement la posture dans laquelle je repose présentement est très loin de me faire une belle jambe…
Comme une vulgaire poupée de chiffons, en beuglant un hurlement de guerre bestial, le gros colosse me soulève à bout de bras, tout là-haut, au-dessus de son énorme crâne chauve et reluisant de blancheur.
Va-t-il littéralement me péter l’échine ?
Va-t-il tout simplement me bazarder sur l’infini et plus loin encore ?
Pour l’instant, on ne sait pas trop ; la grosse bêbête pas belle du tout semble hésiter sur ce qu’elle manigancera de ma pauvre carcasse…
Ce n’était pas censé se produire ainsi. Je n’étais pas censé avoir cette grosse brute épaisse de collé si près au cul. Tout va de travers. Le plan ne se déroule définitivement pas comme prévu. Et pourquoi c’est moi qu’on finit toujours par chopper et sur qui on vient se passer les nerfs ? Merde, c’est écrit quoi sur mon front ; gros tas empoté, bon à embrocher et transformer en sushi, ouvert 24/24 et même disponible les jours fériés ?
-
LA TALISMAN, ROBERTO ! YÉ SAIS QUE TOU L’A AHEC TOA !Robert ? Qu’est-ce que c’est que ce Robert ? Non seulement mon tortionnaire a un baragouin de mal de ventre, mais en summum il n’est même pas fichu de se souvenir de mon prénom ? C’est vraiment cette chose qui va mettre fin à mes si jeunes jours ? VRAIMENT ? Crever avec un semblant de dignité et de crédibilité… s’était hélas trop demandé, peut-être ?
- DOUNNE MOA LA TALISMAN. ET TA MORTA SERA MOINE DOULOUREUSE !
- JAMAIS !
- SI !
- JAMAIS !
- SI ! SI !
- JAMAIS !
- AH, SI ?
- QUE OUAIS !
- QUÉ SI ?
- QUE. OUAIS.
- ALOURS LA MORTA SERA DOULOUREUSE !
- JAMAIS !
- QUÉ SI !
- QUE JAMAIS !
- YÉ TÉ LÉ DIS !
- JE N’ENTENDS RIEN !
- TOU ENTENDRES, MENTEUREUH !
- JAMAIS !
- QUÉ SI !
- INFINI DE JAMAIS QUI SE REFLÈTE DANS UN MIROIR !Bug dans le script. J’arrête ce duel verbal à la con. Je réalise que le gros machin m’a toujours pas bazardé nulle part et que je flotte là comme un fringuant petit oiseau au-dessus de son gros crâne chauve. Il attend quoi, hin ? L’arrivée du Messie ? La pluie ? Que je lui prout sur la tête ? Et où se cache cet enfoiré de Balthazar ? C’est de sa faute si j’suis là !
Et c’est le moment propice que choisit Gros Bill pour enfin se répartir de ma frêle carcasse en esquissant le soin de celui qui se dispose d’un vieux mouchoir souillé et usé. En un cri de guerre guttural, dans un grand geste de bras, il largue les amarres et me lance droit devant. Comme un boulet de canon, je cisèle la moiteur de l’atmosphère, mon corps prenant soudain la forme d’un pantin aux membres désarticulés alors que j’exécute ce putain de vol plané sur l’horizon étroit et glauque. Tête la première, le cul bombé en l’air, j’vois le mur de brique qui se rapproche dangereusement de ma jolie gueule d’ange. MERDE ! Pas encore ! J’vais pas again embrasser à pleine bouche l’un de ces satanés buildings ?! Anxieux quant à ce fâcheux augure, je ferme les yeux… fin prêts à encaisser la divine étreinte… qui par un curieux hasard ne se produit pas…
Je retombe dans une montagne de sac à ordures, pour finalement y patauger, m’en sortir et reprendre ma course où elle a été interrompue.
Déboulé sur le trottoir, je titube malhabilement sur mes pattes tel un vieux saint-bernard, mes grands yeux azurés se hissant sur l’ébène de l’horizon, histoire de voir où je suis et c’est avec consternation que je réalise que je me retrouve sur le boulevard principal du quartier de l’arrondissement du Centre. Exactement là où tout a commencé. FUCK ! Hors de mes gonds, incrédule, je m’empoigne le crâne au creux de mes grosses paluches, mes doigts s’entremêlant dans mon sombre cuir chevelu ébouriffé et farfelu. Comme une novice ballerine, je tourne à plusieurs reprises sur moi-même, voyant le décor flamboyant défiler prestement sous mes yeux horrifiés, alors que je suis près de m’écrouler comme une merde et de faire la danse du bacon parterre. Qu’est-ce que je fais ? Je ne peux pas revenir sur mes pas, le machin pas beau et vilain doit fort probablement m’attendre dans le dédalle de ruelles. Se promener dans le quartier Érudit avec ce nippon talisman, c’est comme se balader avec la tête d’un Divergent à la Willis ! Merde, j’suis une vraie cible ambulante ! Aussi bien fuir en plongeant tête la première dans le vide et croiser tout fort les doigts pour que les anges aux culs bénis viennent me sauver les miches !
-
RUBEN ! PAR ICI ! que gueule une voix rocailleuse et caverneuse, par-delà un strident crissement de pneus et le vrombissement furieux d’un moteur que l’on surmène.
Extatique, un énorme sourire de gamin étire la commissure de mes lèvres et c’est sans me faire prier que je m’élance sur le Buick, ouvre violemment la portière et vient écraser mon cul sur le siège du passager. J’ai même pas le temps de refermer la porte que le bolide décolle en trombe, s’engage sur le ruban goudronné en faisant crier les pneus sur le bitume et laissant échapper un épais nuage de caoutchouc consumé et de poussière.
-
Le talisman, tu l’as ?-
Tu me prends pour quoi ? Un amateur ? Bien sûr que je l’ai ta camelote ! Et tu branlais quoi, bordel ? Ça fait une vie que je te cherche et que je cours partout pour échapper à ces fous furieux ! Tu étais censé faire diversion, pendant que moi je me faisais chier à l’intérieur de ce manoir de fils de riche ! Balthazar ne réplique rien, accaparé à faire rageusement tourner la vieille bagnole dans une rue latérale, visiblement et dangereusement nerveux. Au travers le berceau de verre, je vois défiler le paysage, la rue achalandée et lumineuse prenant des allures houleuses, empruntant la forme d’un long et étroit tuyau vaporeux. Les édifices, les réverbères, les buildings, absolument tout se dissolve et se désagrège. On roule trop vite. On va se tuer !
-
Et mon fric, tu l’as ? que je demande, dédaigneux, alors que j’extirpe de la poche intérieur de ma veste en cuir mon paquet de clopes et mon Zippo. Je me fourre une cigarette entre les lèvres, l’embrase, aspire de généreuses bouffées de Nicotine, attendant que mon comparse de coup foireux daigne prononcer la moindre phrase. Mais son mutisme de moine tibétain perdure, ses prunelles sombres ne quittant pas la route des yeux, la chair de son front reluisante de sueur.
-
Balthazar… mon pognon, tu l’as ? -
Tu parles dans l’instant immédiat ou dans un futur proche ?You, little piece of sh--- ! Je prends une touche si intense de ma clope, que je crois presque sentir éclore une tumeur dans mon poumon. Mes phalanges assassines se resserrent sur le cylindre cancérigène, prêts à réduire en charpie le filtre de ma cigarette à grands coups de canines belliqueuses.
-
Espèce de sac de bouse fumante et écœurante ! Où est mon argent ? Je le savais ! JE LE SAVAIS ! EDGAR - ma petite voix intérieure -
M’AVAIT PRÉVENU ET SUPPLIÉ DE NE PAS TE FAIRE CONFIANCE ! JE VEUX MON FRIC ! OÙ IL EST ?Et ce sac à merde OSE m’afficher cette trogne de vierge offensée. HEY, le gros mollusque, je ne t’invite pas à venir aux putes avec moi ! Je veux simplement mon pognon. J’vole pas les riches bénévolement. J’ai la tronche de Robin Des Bois, peut-être ? NAON ! Alors donne-moi mon fric !
-
J’ai pas eu le temps d’aller à un guichet automatique, Ru’ ! qu’il crache stupidement, les pneus du bolide hurlant tel un gorille en rut alors qu’on s’engage agressivement sur une nouvelle artère.
Et il espère que je vais gober ça ? J’suis pas sa laideronne de femme, ses excuses bidons, il peut se les fourrer où je pense ! Hors de mes gonds, mes deux billes d’un bleu céruléen gerbant littéralement de leurs orbites, je me dandine sur ma banquette et assène une gifle monumentale sur la joue potelée de mon chauffeur. Ce dernier, outré, incrédule, écarquille les yeux de stupeur, se cramponne à son volant et beugle :
-
Tu es fous ? Arrête ! Tu vas nous tuer ! Ne me touche pas ! Rub--Aaahhh--Ug ! -
Et t’étais où tout à l’heure ? Quand j’suis rentré dans ce putain de manoir du Centre, où est-ce que tu étais passé ? T’avais qu’une seule chose à faire ; faire diversion ! La diversion, c’est moi qui l’ai faite lorsque je me suis emparé de cette satanée gourmette à deux balles ! Je me suis fait chopper par un lutteur sumo furax qui aurait volontiers broyer mon échine comme un cure-dent ! J’ai fait tout le sale travail ! Tu t’es cassé ! je me lamente telle une Marie-Madeleine à la jambe de bois, chacune de mes accusations s’escortant de gifles et d’uppercuts, manque plus qu’un vaisselier à pulvériser et cette scène grotesque sera digne de la plus belle tragédie italienne !
-
Arrête. Ru’. La route. Je ne vois rien ! les yeux de Balthazar s’inondent d’affolement, il se contorsionne dans tous les sens praticables pour esquiver mes attaques, la vieille casserole suivant sans aucun ménagement nos ébats pas d’amour, parcourant, de long en large et à travers, la chaussée.
-
MON FRIC ! OÙ T’ÉTAIS ? Bim ! ENFOIRÉ ! MENTEUR ! Paf ! LE LUTTEUR SUMO ! Boom ! JE VEUX MON FRIC ! Pif ! J’oublie toute prudence, trop creux pelotonné dans mes joutes de rixes, pétrissant avec énergie le visage flasque de mon chauffeur haletant et aussi livide qu’un lavabo.
Balthazar perd à son tour sa passivité et commence à me marteler l’épaule de sa paluche moite et molle.
Ne me touche plus, tu entends ! Clapclapclap ! Nous sommes associés, c’est moi qui gère le matos ! T’es qu’un gamin sans cervelle que j’ai extirpé de la misère et que j’ai pris sous mon aile parce que tu me faisais pitié à voir moisir dans la rue ! T’as pas de famille ! J’suis tout ce que tu as ! Il me flanque sous le mufle une ringarde pichenette, pour de nouveau me marteler l’épaule, alors que moi j’en échappe ma clope au sol et me jette à son cou… mes mains trapues s’emparant du col de sa chemise et le secouant comme un vulgaire pommier. Balthazar quitte la route des yeux, ses mains quittant également le volant pour venir se mouler contre l’encolure de ma veste. On se secoue les méninges mutuellement, durant une généreuse poignée de secondes… pour finalement réaliser où on se trouve et se tétanisé d’horreur. L’un cramponné à l’autre, nos visages ahuris, affichant l’expression épique d’un cartoon de dessin animé, se tournant en synchronisme vers le pare-brise où l’on voit jaillir le terre-plein éclaboussé par l’éclat doré des phares de la voiture. À une vitesse folle, on dérive sur la jolie bute, comprenant ce qui va arriver ; on hurle comme des greluches mal baisées et c’est limite si on ne s’enlace pas alors que de plein fouet les pneus et le pare-choc emboutissent la plate-forme. Le Buick pique du nez, un craquement sonore implose sous le capot, le cul de la carrosserie déjoue les lois de la gravité et se bombe dans les airs. À quatre-vingt-dix kilomètre heure, ce genre de cabriole est tout simplement impossible à réaliser sans se casser la gueule. Nos crânes heurtent violemment la toiture de l’habitacle, on virevolte dans tous les sens, mon index s’enfonçant dans le trou de nez de Balthazar alors que la plante du pied de ce dernier passe douloureusement le bonjour à mes couilles. Nos corps fracassent le tableau de bord, les dossiers de nos sièges, un vacarme assourdissant pulse avec violence entre mes tempes… j’ai l’impression d’être un putain de colis fragile que l’on trimbale sans aucun ménagement dans le coffre d’un camion de livraison ! La vieille bagnole traverse le terre-plein et vient achever sa course cahoteuse et folle dans la baie vitrée d’un commerce endormi si tard dans la nuit. La façade en verre fumé explose en millier de cristaux clairsemés et à pleine bouche j’embrasse la bordure du tableau de bord. Les dents encastrées dans le textile répugnant, je me sens groggy, nauséeux et courbaturé comme si j’aurais forniqué toute la nuit dans un cercueil. Mais le plus rassurant est que je n’ai rien de cassé et que je suis toujours vivant…
Pour l’instant…
Je m’appelle Ruben Clay Dashawn… et voici qu’un flashback de ma maudite existence !
Dans les yeux de votre famille et vos amis, vous brillez comme étant quelqu’un de ?A) Enclin à tout sacrifier pour aider son prochain.
B) Naturellement apprécié et aimé de tous.
C) Digne de confiance et d’une inébranlable loyauté.
D) Protecteur, irrépressible, peu importe la situation.E) Sage, qui a toujours le bon mot à tout.
Quand une impasse vous fracasse le nez, votre réaction est ?A) D’agir et faire ce qui est le mieux pour le plus de monde possible.
B) Être l’auteur d’une œuvre qui met en lumière mes sentiments.
C) Improviser une salle de conseil et discuter du problème avec mes proches.
D) Foncer dans le tas. Tête bien haute. C’est la seule solution !E) Faire une liste de pour et de contre pour voir les meilleures options.
La profession parfaite, pour vous, c’est quoi ?A) Tant que c’est Humanitaire, pour moi, c’est le comble de la perfection.
B) Tant que c’est sur l’entretient du Terroir, pour moi, c’est le comble de la perfection.
C) Tant que c’est pour l’évolution de la Science, pour moi, c’est le comble de la perfection.
D) Tant que c’est pour assurer la Sécurité, pour moi, c’est le comble de la perfection.E) Tant que c’est Politique, pour moi, c’est le comble de la perfection.
Votre priorité capitale et fondamentale en ce moment ?A) Servir et aider mon prochain.
B) Trouver le bonheur et la joie en mon for intérieur.
C) Atteindre et surpasser l’apogée de mon Savoir.
D) Forger mon caractère déjà bien trempé.E) Chercher et trouver la vérité en absolument tout.
FACTION SOUHAITÉE : écrire ici.