Hazel…Déchirure stellaire, l’éclaire pourfend l’éther et voici que se brûle notre Terre. Entendez-vous les adieux ? Entendez-vous les tambours qui rugissent, les glaives qui sifflent et les trompettes qui crient ? Frappent sur notre Terre le divin courroux des Dieux ! Du fond de leurs tombeaux visqueux, rampent et s’enlacent les corps des vipères. Notre monde devient carmin et ainsi vient la fin. Entendez-vous les adieux ? Au fond du paradis, nous y voilà interdits !
Douce torpeur, amer frisson, à l’unisson avec ce monde laissé à l’abandon, je lève les yeux vers l’autel, mes pierres d’émeraude luisantes des longues confidences alors que mon échine veut tant être ployée. Fièvre hurlante et le cœur qui se lamente.
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La Mort. Est-ce qu’elle vous effraie, monsieur Valentyne ?Mes yeux s’arrachent de leur contemplation et viennent se poser sur la carcasse croulante qui s’est échouée sur le banc en bois. Ô mon pauvre, qui es-tu ? Qui berce tes nuits ? Qu’est-ce qui peut bien peindre ce ciel d’orage et de tempête en tes yeux ? Entends-tu les adieux, toi aussi ?
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Non. Ma paume, effleurant le dos de ta main brûlante, est comme l’écho d’une raison secrète, serrant si fort l’épine et laissant tomber les pétales qui se fanent. Apothéose à la nécrose, tout ce que je caresse, ainsi je l’ose. Ô, mon pauvre, je Le vois du fond de l’azur, Son regard paternel qui se saigne pour vous avoir laissé trop penseurs, vous qui prétendez à l’égalité. Mensonge ! MENSONGE !
Tu viens poser ton front perlant de sueur froide sur le dos de ma main, sous les épaisseurs des couvertures que je t’ai offert, je te vois trembler et grelotter. Tu es malade. Gravement malade. Qui es-tu ? Qui berce tes nuits ? Tu tousses, tremble de plus belle et je viens doucement embrasser l’arrière de ton crâne de ma main compatissante. Tu ne devrais pas être ici. Tu as besoin de soins. Tu es malade, gravement malade, ô mon pauvre…
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Je ne veux pas mourir. Il t’a fait à Son image, mais je ne vois qu’un atroce cerbère à la place de ton humain visage. Je lis en tes larmes que les mourantes flammes. Je peux sentir sur tes chairs les horribles parfums du sang, la haine et les hargnes. Piétine et pourfend ta race, te voilà livré au malin qui te chasse. Rase et brûle tes monticules, crache sur Son reflet, mais ne crains pas les feux de la rage luciférienne. À Lucifer, ton âme, tu lui as fait sienne. Tu as tourné les yeux de Sa clarté astrale, te consacrant maintenant à la voûte et au tartare. Pour avoir aimé le Mal, tu as mal et pour toi il est trop tard. Sur tes terres agricoles tu as déraciné tes fleurs pour cultiver les pieux. Dans la fin, tu vois que tu n’es pas plus heureux. Tu n’es qu’un primate, un génie de plus dans ce monde grouillant de spartiates. Tu vas mourir comme tu as mené ta vie. Ô mon pauvre…
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Supplier la Providence est un exercice bien compliqué, mon fils. Tu tends ton regard de désarroi vers moi. Impassible, j’écoute la mélodie de ton cœur qui se brise et lézarde tes yeux de douleur. Si près de Lui, tu viens t’agenouiller et éprendre tes rancœurs. Ô mon pauvre. Tu te tiens là, carcasse de chair, de sang et d’os, livide, brûlant, tremblant. Pantin aux ficelles usées, genoux rabattus contre les pierres sacralisés et le dos courbé face à la mort qui désarme. Tête-à-tête absurde avec la Providence qui fauche ta vie au hasard, d’une pluie de glaives aux traces assassines, gronde encore le bourdonnement du joug, quelque part, bien haut dans le ciel. Tu n’es que souffrance utérine. Passager de la contrée du Sud, tu étais vivant, tu étais humain, tu étais pour la paix un merveilleux augure… mais le Destin t’a voulu malin et mauvais. Traitre ! Le mal dont tu souffres te pousse doucement vers le monde du soufre. Ton esprit engourdi, ton crâne ouvert à la maladie, plus rien ne peut te réchauffer et tu as ouvert ton cœur au mauvais ange.
Et tu veux de moi une piètre clémence. Sans espérance, je te laisse torpeur et turpitude.
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out ce que j’ai fait, c’est pour protéger ma famille. Monsieur Valentyne, les choses, à l’arrondissement du Sud, elles ne s’arrangent pas. Ce qui s’est produit, à l’hôpital…-
Je sais. Qui ? Dans l’implication de l’arrestation de mademoiselle Stevenson, qui d’autre y a participé ? Déchirure stellaire, l’éclaire pourfend l’éther et voici que se brûle notre Terre. Entendez-vous les adieux ? Entendez-vous les tambours qui rugissent, les glaives qui sifflent et les trompettes qui crient ? Frappent sur notre Terre le divin courroux des Dieux ! Du fond de leurs tombeaux visqueux, rampent et s’enlacent les corps des vipères. Notre monde devient carmin et ainsi vient la fin. Entendez-vous les adieux ? Au fond du paradis, nous y voilà interdits !
Hazel…-
Moi. Juste moi. Ils m’ont promis un remède. Monsieur Valentyne, je…-
Au risque de me répéter… supplier la Providence est un exercice bien compliqué.D’un élan rapide qu’exode à mon esprit qu’une noire colère, je te happe par le col et te couche parterre. Tu veux te redresser, infatigable petit malin, mais ma main, plus véloce, te rattrape par la gorge et cherche à te rompre la nuque. Tu te débats, au sol me rabats, ton poing qui abîme mes narines et le mien qui fend ta lèvre inférieure. Tu es trop faible pour lutter et te contrecarrer ; tu me le donnes presque sur un plateau d’argent.
Étonnant comment est-ce qu’un dos humain et ployé peut exprimer l’horreur que je ne puisse lire sur ton visages, lorsque face contre terre, ainsi je te condamne aux enfers. Une nuque crispée que je sens entre mes paumes, tout juste avant le craquement sonore. Oui, étonnant comment est-ce qu’un dos humain peut exprimer ce que le visage ne parvient plus…
Je me relève et contemple ton splendide cadavre, mes yeux luisants de superstitions, comme en adoration avec le tohu-bohu de mon crâne bourré que de pensées funèbres.
Tu as ouvert ton cœur au mauvais ange.
Ô mon pauvre. Tu reposes là, carcasse de chair, de sang et d’os, livide, brûlant…tremblant.
Tremblant ?Étonnant comment est-ce qu’un dos humain et ployé peut exprimer la vie… même dans la mort.
« Tu seras un sujet d'opprobre et de honte, un exemple et un objet d'effroi pour les nations qui t'entourent, quand j'exécuterai contre toi mes jugements, avec colère, avec fureur, et par des châtiments rigoureux, -c'est moi, l'Éternel, qui parle…»
Ézéchiel 5:15-17